Le Prix La Recherche 2014 (catégorie Astrophysique) pour un résultat du satellite européen Planck
Tous les signataires de l'article de la collaboration Planck, "Planck 2013 results. XVII. Gravitational lensing by large-scale structure" (Effets de lentille gravitationnelle des grandes structures de l'Univers), à paraitre dans l'édition spéciale de la revue Astronomie & Astrophysique dédiée aux premiers résultats cosmologique de la mission, sont récompensés par le Prix de la Recherche, dans la catégorie Astrophysique. Cet article, piloté par Karim Benabed, astronome à l'Institut d'astrophysique de Paris (UMR 7095 - CNRS-INSU & UPMC), décrit la mesure d'effet de lentille gravitationnelle sur les données du rayonnement de fond cosmologique collectées par le satellite européen Planck. Cette mesure a permis aux chercheurs de reconstruire une carte de la distribution de matière dans l'Univers aux grandes échelles, sur toute la voûte céleste. Le prix a été reçu par Karim Benabed au nom de la collaboration, lors de la cérémonie qui s'est tenue le 21 octobre au musée du quai Branly à Paris.
Planck est un satellite européen piloté par l'ESA, qui entre 2009 et 2013, a observé le ciel dans les fréquences micro-ondes à l'aide de deux instruments, LFI et HFI. De son orbite d'observation, au point de Lagrange L2 du système Terre-Soleil, il a obtenu 5 relevés complets du ciel. Ces mesures ont permis, après séparation entre les émissions des avant plans astrophysiques (émissions de notre galaxie, des galaxies et amas de galaxies d'arrière plan...) et émission cosmologique, de construire une carte du rayonnement de fond cosmologique d'une précision inégalée, tant en résolution qu'en sensibilité. Les premiers résultats cosmologiques de l'expérience ont été révélés début 2013 et après relecture de plus de mille pages décrivant le travail de la collaboration, les articles seront publiés dans un numéro spécial de la revue Astronomie & Astrophysique à paraitre en novembre 2014. L'Institut d'astrophysique de Paris tient une place importante dans la collaboration Planck, puisqu'il pilote le traitement des données de l'instrument HFI et coordonne le travail d'une équipe regroupant des chercheurs français et internationaux. Il abrite aussi la machine de calcul utilisée pour le traitement de ces données. Outre la réduction des données du satellite, les chercheurs de l'institut travaillent plus particulièrement à la séparation entre les composantes astrophysiques et cosmologiques, à l'analyse cosmologique des données, à la mesure des écarts des propriétés statistiques du rayonnement, signature d'éventuelles extensions du Modèle Standard (Supersymétrie, Extra-dimensions, etc.), et à la mesure d'effets de lentilles gravitationnelles.
L'effet de lentille gravitationnelle est la déviation du trajet des photons dans les potentiels gravitationnels. Ainsi, toute la matière présente dans notre Univers constitue une gigantesque lentille qui déforme les images des objets que nous observons. La manifestation la plus spectaculaire de cet effet est le phénomène d'anneau d'Einstein observé lorsqu'un objet d'arrière plan est exactement aligné avec un objet d'avant plan massif. L'image de l'objet d'arrière plan est alors déformée pour former un anneau autour de l'objet d'avant plan dont la masse perturbe le trajet des rayons lumineux. En mesurant les déformations subies par les objets d'arrière plan, les astronomes peuvent reconstruire la distribution de matière en aval de l'objet observé. L'Institut d'astrophysique de Paris est un des laboratoires d'excellence pour ce genre de mesure et ses chercheurs ont déjà participé à de nombreuses premières sur le sujet, en mesurant par exemple les déformations cohérentes des formes de galaxies d'arrière plan.
En mesurant ces déformations sur le rayonnement de fond cosmologique, l'équipe internationale de chercheurs pilotée par Karim Benabed a, pour la première fois, construit une carte de la distribution de matière dans tout notre Univers. Cette carte ne présente que les grandes échelles de cette distribution de matière. Sa résolution est limitée par la résolution et la sensibilité de Planck. Des cartes similaires à plus petites échelles avaient été déjà obtenues par des observatoires au pôle Sud et dans le désert de l'Atacama au Chili, mais la carte de Planck est la seule qui couvre toute la voûte céleste et bien que de résolution plus faible, elle contient une bien plus grande mine d'informations sur la structuration de la matière dans notre Univers. Cette carte a déjà été utilisée par les chercheurs de Planck, mais aussi en dehors de la collaboration, pour contraindre les propriétés du modèle décrivant le fonctionnement de notre Univers, ou pour être comparée à des observations de galaxies, de quasars, d'amas de galaxies obtenues dans d'autres longueurs d'ondes par de nombreux observatoires.
Créé il y a 11 ans par le magazine éponyme, le Prix La Recherche offre chaque année un panorama des avancées scientifiques. Il récompense des travaux relevant aussi bien de disciplines scientifiques que technologiques et créé un lien entre mondes industriel et académique.
En savoir plus :
Le palmarès de la 11e édition du Prix La Recherche (http://www.leprixlarecherche.com)
Le site public Internet Planck en français (http://public.planck.fr)
Contact :
Karim Benabed - Tél. 33-1- 44 32 80 45 - benabed at iap point fr
Vue d'artiste représentant la déviation du trajets des photons du rayonnement de fond cosmologique dans les puits de potentiel gravitationnel des grandes structures. Les filaments roses et blancs dont la taille et le contraste s'améliorent lorsqu'on s'éloigne du rayonnement de fond sont issus
d'une simulation numérique de l'évolution de la distribution de matière dans l'Univers. Ils donnent une idée de la structuration aux grandes échelles de la matière en pleine évolution que sondent les effets de lentille gravitationnelle mesurés par Planck.
(© ESA / Collaboration Planck)
La carte de distribution de matière dans l'Univers sur toute la voûte céleste. La voûte céleste est présentée en projection de Mollweide, le pôle Nord galactique en haut. Les zones grisées sont les zones du ciel
où l'émission des avant plans astrophysiques est trop forte pour être séparée avec précision du rayonnement de fond cosmologique. Elle sont dominées par l'émission infrarouge de la poussière dans notre galaxie. Les zones sur-denses (blanches) et sous-denses (noire) sont de grandes tailles sur la carte.
En effet, la résolution et la sensibilité de l'instrument Planck ne permettent pas d'explorer les détails plus fins de la distribution de matière via l'effet de lentille gravitationnelle. À ce jour, cette carte est la mesure la plus puissante de l'effet de lentille gravitationnelle sur le rayonnement
de fond cosmologique.
(© ESA / Collaboration Planck)
http://tumourrasmoinsbete.blogspot.fr/
(© Marion Montaigne)
30 octobre 2014