Archives des actualités - Mars 2000  

Des amas de galaxies obscurs
 
Les mouvements des galaxies dans l'Univers et, encore plus directement, les grands effets de mirages gravitationnels dans les amas de galaxies montrent que la matière contenue dans l'univers est constituée pour l'essentiel de particules et/ou d'objets qui n'émettent pas de lumière (au moins 90%). La cartographie de cette "matière noire" et la recherche de sa nature sont des défis observationnels majeurs de la cosmologie moderne. Une technique nouvelle de cartographie de la distribution de la matière noire sur le ciel est en train de naître avec une forte impulsion de l'école de cosmologie française. Elle utilise des grandes cameras CCD mosaïques et consiste à évaluer la déformation gravitationnelle moyenne des images des petites galaxies du fond de l'Univers qui peuplent le ciel par millions. La déviation des rayons lumineux passant à proximité des grandes concentrations de masses de l'Univers produit des effets de lentille gravitationnelle qui déforment l'apparence des galaxies lointaines et accroissent leur élongation selon une orientation préférentielle perpendiculaire à la direction du champ de gravité. Les galaxies lointaines s'orientent donc en moyenne selon une direction identique et l'allongement systématique des images selon ces directions dessine le contour des distributions de masses (cf. images ci-dessous). Un tout premier test de la méthode de cartographie du champ de distorsion gravitationnel dans l'amas de galaxies Cl0024+1654 avait montré que la masse noire suivait en gros la distribution géométrique de la masse lumineuse à l'exception d'un endroit particulier du champ où il semblait exister une forte concentration de masse non lumineuse (Bonnet, Mellier, Fort, 1994, Astrophysical Journal 427, 83).
 
Une observation récente réalisée avec une caméra beaucoup plus sophistiquée et avec des méthodes de mesures des effets de distorsions gravitationnelles très performantes vient de révéler un second cas, cette fois indiscutable, à la périphérie de l'amas de galaxies Abell 1942 (Erben, van Waerbeke, Mellier, Schneider, Cuillandre, Castander, Dantel-Fort, 1999, Astronomy and Astrophysics, sous presse).
 
Cette observation démontre qu'il doit exister de nombreuses condensations de masses obscures équivalentes à des groupes ou des amas de galaxies, sans contrepartie lumineuse, observables avec les détecteurs optiques actuels. S'agit t-il d'une condensation de masse vraiment obscure ou bien d'un système associé à des galaxies plus lointaines détectables uniquement en infrarouge ? le problème reste posé. Il est cependant probable que l'on finira par trouver une composante, éventuellement très ténue, associée à cette condensation de masse obscure, car les simulations numériques d'Univers ne permettent pas facilement d'obtenir de telles concentrations de masse sans aucune contrepartie lumineuse avec des galaxies témoins. Dans le cas contraire, ce serait un résultat observationnel tout à fait inattendu et majeur. Il est donc tout à fait clair que les caméras de grands formats en cours de développement pour la cartographie de la matière noire avec le télescope CFHT d'Hawaii (projet MEGACAM-TERAPIX du CEA, du CFHT et du CNRS) vont permettre de détecter de nombreux amas obscurs sur toute l'étendue du ciel boréal et de résoudre l'énigme posée par cette nouvelle classe d'objet.

 
 
Contacts à l'IAP
Y Mellier