Les mouvements des galaxies dans l'Univers et, encore plus
directement,
les grands effets de mirages gravitationnels dans les amas de
galaxies montrent que la matière contenue dans l'univers est
constituée pour l'essentiel de particules et/ou d'objets qui
n'émettent pas de lumière (au moins 90%). La cartographie de cette
"matière noire" et la recherche de sa nature sont des défis
observationnels majeurs de la cosmologie moderne. Une technique
nouvelle de cartographie de la distribution de la matière noire sur
le ciel est en train de naître avec une forte impulsion de l'école
de cosmologie française. Elle utilise des grandes cameras CCD
mosaïques et consiste à évaluer la déformation gravitationnelle
moyenne des images des petites galaxies du fond de l'Univers qui
peuplent le ciel par millions. La déviation des rayons lumineux
passant à proximité des grandes concentrations de masses de
l'Univers produit des effets de lentille gravitationnelle qui
déforment l'apparence des galaxies lointaines et accroissent leur
élongation selon une orientation préférentielle perpendiculaire à la
direction du champ de gravité. Les galaxies lointaines s'orientent
donc en moyenne selon une direction identique et l'allongement
systématique des images selon ces directions dessine le contour des
distributions de masses (cf. images ci-dessous). Un tout premier
test de la méthode de cartographie du champ de distorsion
gravitationnel dans l'amas de galaxies Cl0024+1654 avait montré que
la masse noire suivait en gros la distribution géométrique de la
masse lumineuse à l'exception d'un endroit particulier du champ où
il semblait exister une forte concentration de masse non lumineuse
(Bonnet, Mellier, Fort, 1994, Astrophysical Journal 427, 83).
Une observation récente réalisée avec une caméra beaucoup plus
sophistiquée et avec des méthodes de mesures des effets de
distorsions gravitationnelles très performantes vient de révéler un
second cas, cette fois indiscutable, à la périphérie de l'amas de
galaxies Abell 1942 (Erben, van Waerbeke, Mellier, Schneider,
Cuillandre, Castander, Dantel-Fort, 1999, Astronomy and Astrophysics,
sous presse).
Cette observation démontre qu'il doit exister de nombreuses
condensations de masses obscures équivalentes à des groupes ou des
amas de galaxies, sans contrepartie lumineuse, observables avec les
détecteurs optiques actuels. S'agit t-il d'une condensation de masse
vraiment obscure ou bien d'un système associé à des galaxies plus
lointaines détectables uniquement en infrarouge ? le problème reste
posé. Il est cependant probable que l'on finira par trouver une
composante, éventuellement très ténue, associée à cette condensation
de masse obscure, car les simulations numériques d'Univers ne
permettent pas facilement d'obtenir de telles concentrations de
masse sans aucune contrepartie lumineuse avec des galaxies témoins.
Dans le cas contraire, ce serait un résultat observationnel tout à
fait inattendu et majeur. Il est donc tout à fait clair que les
caméras de grands formats en cours de développement pour la
cartographie de la matière noire avec le télescope CFHT d'Hawaii
(projet MEGACAM-TERAPIX du CEA, du CFHT et du CNRS) vont permettre
de détecter de nombreux amas obscurs sur toute l'étendue du ciel
boréal et de résoudre l'énigme posée par cette nouvelle classe
d'objet.
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