Les défauts topologiques
cosmiques représentent un lien entre la physique des particules, la
cosmologie, et des phénomènes usuels en physique de la matière
condensée. Ils permettent de proposer des explications quant à la
physique de l'Univers très primordial par des analogies avec des
systèmes étudiés en laboratoire. En fait, si les idées actuelles
basées sur des extensions du modèle standard des particules (dont le
succès n'est plus à rappeler) sont correctes, alors les défauts en
sont une conséquence inévitable et, de plus, possèdent des propriétés
intéressantes au niveau astrophysique qui ont motivé les tentatives
d'explications, tant du problème de la formation des grandes
structures que de celui des fluctuations du rayonnement fossile.
Parmi ces défauts topologiques, les cordes cosmiques sont les plus
étudiées. Il convient de noter que nous ne parlons pas ici des cordes
fondamentales, que certaines théories proposent comme entités de base
de la matière pour remplacer les particules. Les cordes cosmiques
seraient des objets célestes à part entière, restant à découvrir, se
présentant sous la forme de lignes très fines de matière primordiale
(matière qui n'existerait plus ailleurs), contenant une énergie
invraisemblable et évoluant dans l'Univers à des vitesses proches de
celle de la lumière, imprimant une courbure à l'espace lors de leurs
déplacements. Ces cordes disparaissent rapidement dans les premiers
temps cosmiques, mais quelques unes, qui sont observables, survivent
dans l'Univers . De part leur existence, elles laisseraient cependant
une signature particulière sur le rayonnement de fond micro-onde émis
quand l'Univers avait environ 300.000 ans. Du fait de leurs propriétés
gravitationnelles un peu spéciales, elle peuvent, en particulier,
accréter la matière les environnant et former les structures à grande
échelle (c'est-à-dire la répartition dans l'espace des galaxies) que
nous observons aujourd'hui. Elles courbent aussi les trajectoires des
rayons lumineux, comme le font les galaxies et quasars. Par ailleurs,
comme on l'a dit, elles sont susceptibles de perturber le fond de
rayonnement micro-onde, aussi bien à l'époque du découplage de la
radiation d'avec la matière, quelques dizaines de milliers d'années
après le Big-Bang, que depuis cette période, sur le trajet effectué
par ces photons fossiles pour parvenir jusqu'à nous. Leurs mouvements
rapides produisent aussi une structure très compliquée de boucles,
dont la désintégration aurait pu remplir l'Univers d'un fond de
rayonnement "gravitationnel", qui sera peut-être détectable dans
Exemple de réseau de cordes cosmiques après un long temps
d'évolution : on constate la présence d'un très grand nombre de
boucles dont la désintégration est le problème qui nous préoccupe ici.
(Simulation numérique faite par D. Bennett et F. Bouchet, Institut
d'Astrophysique de Paris).
Pour ne pas provoquer de catastrophe cosmologique, ces boucles ont
dû massivement disparaître, et comme on vient de le dire, l'hypothèse
généralement admise est qu'elles se transforment principalement en
ondes gravitationnelles (non détectées pour l'instant). Or une équipe
de théoriciens français vient de constater que toute la cosmologie qui
découle de ces réseaux de cordes est complètement changée si on
imagine d'autres produits de désintégration, tels que des photons par
exemple ..., à tel point qu'il va être indispensable dorénavant de
tout ré-examiner. Dans un article récent (disponible
ici, pour les spécialistes), cet effet a été analysé et les
résultats sont résumés sur le schéma ci-dessous sur lequel on voit les
prédictions d'un modèle de cordes cosmiques comparées aux
observations. La différence peut atteindre un facteur multiplicatif
d'environ 50 !
Fluctuations
attendues dans le cas d'un modèle de cordes cosmiques en fonction de
l'échelle angulaire sur laquelle se fait l'observation du
rayonnement cosmique micro-onde. Les points observationnels sont
indiqués avec leur marge d'incertitudes. Les courbes de différentes
couleurs représentent les prédictions du modèle basé sur les cordes
cosmiques lorsqu'on suppose que les boucles disparaissent de façons
variées : par exemple, la courbe rouge correspond au modèle ancien
suivant lequel seules des ondes gravitationnelles étaient émises.
Comme on le voit, cette courbe est très éloignée des observations,
raison pour laquelle la communauté cosmologique considérait que les
fluctuations du rayonnement cosmique n'avaient certainement pas été
produites par des défauts topologiques. Cet argument ne tient
visiblement plus dès lors qu'on considère la courbe violette qui se
situe bien au-dessus des autres, maintenant à un niveau comparable à
celui des observations. Dans ce cas, le produit de désintégration
des boucles le plus important est le rayonnement lumineux. Des cas
intermédiaires sont aussi indiqués, qui ne dépendent que du mode
principal de désintégration. On constate que l'effet le plus
important a lieu pour des échelles angulaires de l'ordre du degré
(l=200 sur la figure), région sur laquelle les incertitudes sont
encore trop importantes pour qu'il soit possible de conclure ; les
observations futures (objectif majeur des missions satellites
MAP et
Planck)
préciseront ces données et sont donc très attendues. (Résultats
aimablement transmis par A. Riazuelo et N. Deruelle, Observatoire de
Meudon, et P. Peter, Institut d'Astrophysique de Paris)
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