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Mesure de la température du fond diffus à grand décalage spectral :
confirmation de la théorie du Big-Bang

Une équipe formée de R. Srianand, chercheur de Puna en Inde, de Patrick Petitjean de l'Institut d'astrophysique de Paris et de Cédric Ledoux post-doctorant à l'Observatoire europén (ESO) a démontré, pour la première fois, que l'Univers était plus chaud dans le passé. Leur observation est une confirmation directe de la théorie du Big-Bang qui prédit que notre Univers a commencé par une explosion suivie d'une expansion au cours de laquelle il se refroidit continuellement. Un article est publié dans le numéro de Nature du 21 décembre 2000.

Le fond diffus cosmologique

Figure 1 et Figure 2  

La théorie du Big-Bang prévoit que 500.000 ans après l'explosion initiale, la matière et le rayonnement se sont découplés. L'Univers ayant une température de 3.000 K [Kelvin] à l'époque, le rayonnement était donc celui d'un corps noir à cette même température. Depuis, l'Univers est immergé dans un bain de photons dont la température décroît régulièrement avec le temps du fait de l'expansion continue. Actuellement, nous baignons dans ce qu'on appelle un fond diffus cosmologique dont la température a été mesurée très exactement par la mission spatiale COBE, T = 2,726 K. C'est très froid certes, mais suffisant pour être l'un des supports les plus solides de la théorie puisqu'il correspond à un fossile appartenant à la période la plus reculée observable aujourd'hui. Certains chercheurs ont suggéré toutefois que ce rayonnement pourrait avoir une autre origine que cosmologique. Ainsi, l'idée que le fond pourrait être émis par une population d'objets proches et poussiéreux a été avancée. Même si, dans ce cas, les arguments n'ont convaincu que très peu de chercheurs, il n'en est pas moins vrai qu'une théorie reste fragile tant qu'elle n'est pas étayée par des tests solides et nombreux. Une théorie doit être confirmée grâce à des tests observationnels indépendants.

Dans le cas de la théorie du Big-Bang, un des tests les plus critiques serait de montrer que le fond diffus existe à toute époque de l'histoire de l'Univers, avec une température d'autant plus élevée qu'on la mesure à un moment plus lointain dans le passé. Facile à dire, pas facile à faire. C'est pourtant ce tour de force qu'a réussi l'équipe de Patrick Petitjean, en étudiant les propriétés d'un nuage de gaz se trouvant à douze milliards d'années-lumière de la Terre.

Le principe de la mesure : les raies d'absorption dans le spectre des quasars

L'Univers est rempli de gaz obscur qu'il est impossible de détecter directement car il n'émet pas de lumière. Il existe toutefois une méthode très sensible pour détecter ce gaz. Elle consiste à rechercher l'absorption qu'il produit dans le spectre de sources lumineuse situées en arrière-plan.

On détecte donc le gaz par l'ombre qu'il fait aux sources lointaintes. Les quasars sont des objets extrêmement lumineux que l'on détecte même s'ils sont situés aux confins de l'Univers à plus de dix milliards d'années lumière de notre système solaire. Le rayonnement qu'ils émettent parcourt donc une distance considérable à travers l'Univers. Sur ce trajet, il traverse, à l'occasion, des halos, des disques de galaxies et même des nuages solitaires peuplant le vide intergalactique. Tous ces objets qui contiennent le gaz de l'Univers, vont absorber une petite partie de la lumière du quasar et donc laisser leur signature dans son spectre. On peut ainsi étudier les propriétés physiques de l'Univers lointain.

De plus, la lumière ayant une vitesse finie, on observe les objets se trouvant à dix milliards d'années-lumière tels qu'ils étaient il y a dix milliards d'années. On peut donc voir l'Univers à des époques très reculées et retracer ainsi son histoire de son origine jusqu'à nos jours.

Les observations

À quelque douze milliards d'années-lumière, interposé par hasard entre nous et le quasar PKS1232+0815, se trouve un nuage de gaz dense dans lequel du carbone neutre, mais surtout des molécules d'hydrogène, ont été observées. Il faut noter qu'une telle coïncidence est extrêmement rare et représente une situation idéale pour faire une mesure du fond diffus cosmologique à un moment où l'Univers n'avait pas le quart de son âge actuel.

Le télescope KUYEN de huit mètres de diamètre, installé au Chili par l'Observatoire européen (ESO), a été mis en service le 1er avril 2000. Au cours de la première nuit d'utilisation, le quasar PKS1232+0815 a été observé à l'aide du spectrographe échelle UVES (Ultraviolet and Visible Echelle Spectrograph) qui s'avère être l'instrument de ce type le plus performant au monde. Une pose de trois heures a été nécessaire pour obtenir un spectre de rapport signal sur bruit adéquat.

Mesure de la température du fond diffus cosmologique

Une fois l'observation faite, la mesure est, en principe, simple : les photons du fond diffus sont capables d'exciter les atomes de carbone neutre. Il suffit de mesurer cette excitation pour mesurer la température du fond diffus. Oui mais voilà, les atomes de carbone neutre sont aussi excités par les collisions avec les électrons et les atomes d'hydrogène ; ils sont aussi excités par le flux ionisant provenant des étoiles se trouvant dans les environs du nuage.

Donc mesurer l'excitation des atomes de carbone neutre est bien, mais il faut aussi mesurer la densité en électrons, en hydrogène, ainsi que la température du gaz et le rayonnement des étoiles environnantes. Plusieurs équipes américaines utilisant le télescope Keck avaient bien essayé ces dernières années de mener à bien ce test, sans succès toutefois. Grâce la supériorité du nouvel instrument européen sur son concurrent américain et aussi... à un peu d'astuce de la part de notre équipe franco-indienne, le test a été mené à bien.

Plus techniquement, la température du gaz (~300 K) a été mesurée grâce au rapport des populations des niveaux rotationnels J=0 et J=1 de la molécule d'hydrogène. La densité d'hydrogène (~30 particules par cm3) a été déterminée à partir de l'excitation de C+. Le rayonnement des étoiles environnantes a été évalué grâce encore à la fluorescene des molécules d'hydrogène.

La conclusion de la mesure est que la température du fond diffus était de 9,5 K il y a douze milliards d'années. Cela correspond exactement, aux incertitudes de mesure près, à ce qui est prédit par la théorie du Big-Bang.

Figure 1 et Figure 2

 

 
 
Contacts à l'IAP

Patrick Petitjean

Mél :ppetitje@iap.fr
 
Liens utiles

On peut également consulter le communiqué de presse de l'ESO (en anglais).