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L'éclipse du 21 Juin 2001
observée depuis l''Angola
Premiers résultats |
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Rapport du 1er juillet
2001 (d’après le Télégramme Diplomatique de l’Ambassade française à Luanda)
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(Rédacteurs du TD : Emmanuel JAFFELIN, Alliance Française / Serge
KOUTCHMY, IAP-CNRS)
L’éclipse totale de Soleil, qui s’est produite en Afrique Australe le
21 juin 2001, a pu être observée dans cinq pays : l’Angola, la Zambie,
le Zimbabwe, le Mozambique et Madagascar. Selon les études
statistiques de la N.A.S.A, le site idéal garantissant un ciel sans
nuage pour observer cette éclipse se trouvait en Angola, dans la
région du Kwanza Sul, qui offrait également l’avantage d’une hauteur
maximale de visée du soleil et surtout d’une durée maximale de
totalité de l’éclipse. Ces trois motifs expliquent que la ville de
Sumbe, capitale de la région et distante de 380 kms de la capitale,
ait été recommandée par Serge Koutchmy aux autorités angolaises pour
que s’y installent des missions scientifiques. L’éclipse débuta à
11h58 (heure locale) sa phase de partialité pour atteindre la totalité
à 13h38 et s’achever à 15h07. Conformément aux prédictions de l’ex
Bureau des Longitudes /I.M.C.C.E (Institut de Mécanique Céleste et de
calcul des Ephémérides), la durée de la totalité fut de 4mn35s.
Selon la presse, 30 des 80 « scientifiques » conviés furent présents
sur le site de l’I.N.P (Institut National du Pétrole) à 15 kms de la
ville de Sumbe, afin d’observer le phénomène en toute sécurité et d’y
animer des ateliers.
Des scientifiques étrangers sont venus de Pologne, de République
Tchèque, de Slovaquie, de Roumanie, du Brésil, des USA et du Portugal.
La France était la mieux représentée avec une équipe dirigée par Serge
Koutchmy et composée de 9 personnes relevant principalement de 2
institutions : le C.N.R.S (I.A.P et I.A.S et Obs. de Meudon) et le
C.N.E.S.
Serge Koutchmy (médaille Janssen 1994-97) directeur de recherche au
C.N.R.S, Institut d’Astrophysique de Paris (I.A.P), co-auteur avec P.
Guillermier d’un ouvrage sur les éclipses (chez Masson, 1999 et chez
Springer-Praxi, 2000) spécialiste de physique solaire et spatiale et
qui étudie la couronne solaire aux éclipses depuis 1968 ; il a plus
particulièrement conduit une expérience de spectroscopie destinée à
diagnostiquer les causes et les conséquences du chauffage de la
couronne.
Daniel Crussaire (ingénieur de recherche C.N.R.S, Observatoire de
Paris-Meudon) a cherché à obtenir une image de la couronne solaire
dans deux régions de température (la couronne dite « froide », 10.000°
Kelvin et la couronne dite « chaude », 2 millions de degrés Kelvin) en
vue de comprendre le bilan de masse dans l’atmosphère du soleil et la
formation de l’helium.
Christian Viladric, ingénieur de recherche Sup.aéro, ingénieur E.D.F
et chercheur associé à l’I.A.P) a effectué des mesures de la couronne
solaire dans la raie verte du FeXIV jusqu’à 1 millions de km de la
surface du soleil dans la perspective de comprendre l’origine des
vents.
Jean Mouette, technicien photographe à l’I.A.P., a produit des clichés
couleurs à haute résolution de la couronne solaire et ses structures
magnétiques, dans toute son étendue, à l’aide d’un procédé original
mis au point à l’I.A.P. De plus, il a effectué un reportage « cinéma »
pour le compte du CNRS, avec des moyens vidéo professionnels.
Jean-Pierre Delaboudinière (E.N.S. Ulm, agrégé de physique), directeur
de recherche au C.N.R.S (I.A.S Orsay) est notamment le responsable
scientifique du programme E.I.T (Extrême UV Imaging Telescope) sur le
satellite Soho qui a produit à ce jour le plus grand nombre d’images
du soleil. A Sumbe, J.-P. Delaboudinière a mesuré, dans la couronne
solaire, la densité électronique qui permet de déterminer l’équilibre
d’ionisation de l’hélium qui est, par ailleurs, observée à l’aide de
Soho.
Philippe Marty, doctorant I.A.S Orsay et Université de Paris XI, a
participé à une expérience de vidéo-polarimétrie de la couronne et
assuré une partie de la couverture médiatique.
Des étudiants angolais de l’université Agostino Neto et de l’INP ont
réalisé des expériences diverses d’imagerie sous la direction de SK,
en vue de compléter le travail de la photométrie de la couronne.
Jean-Yves Prado, ingénieur C.N.E.S-Toulouse, a, via les petites
stations INMARSAT qu’il avait apportées, assuré les liaisons avec les
observations satellitaires précédant l’éclipse et pendant, y compris
avec le laboratoire de l’I.A.S d’Orsay.
Hubert Diez, C.N.E.S-Paris, a par ailleurs retransmis en direct les
images de l’éclipse sur l’écran du stand du C.N.E.S présent au salon
du Bourget.
Conceicao Silva, détachée par la DIST (délégation à l’information
scientifique et technique) du CNRS à cette occasion, a secondé sur le
terrain la mission scientifique en assurant la liaison avec les
autorités angolaises.
Trois français se sont déplacés en partie à leurs frais pour assister
au phénomène : un astronome à la retraite, un astronome amateur et un
journaliste.
Robert Robley, physicien honoraire, ex- physicien titulaire de l’I.P.G
(Institut de Physique du Globe) affecté à l’Observatoire du
Pic-du-Midi, âgé de 86 ans, est venu entièrement à ses frais pour
effectuer une petite expérience d’imagerie en vue de réaliser la
polarimétrie de la couronne solaire étendue.
Thierry Legault, informaticien et astronome amateur, a réalisé des
clichés à l’aide d’un photoscope CCD au foyer d’un excellent petit
télescope et un journaliste et créateur d’une agence de presse
parisienne s’est davantage intéressé au contexte social de l’éclipse.
Pour des raisons de sécurité, ces trois français se sont retrouvés sur
le site de l’I.N.P avec le reste des scientifiques français.
Le bilan de cette mission scientifique française est très positif.
L’embryon de coopération internationale qui s’est dessinée à cette
occasion se prolonge d’un projet de protocole d’accord entre le CNRS,
l’Université Agostinho Neto (Luanda) et le Ministère angolais de la
science et de la technologie. Il y est prévu notamment de créer une
chaire d’Astronomie et de Géophysique et de construire un observatoire
à Luanda. A cette fin, des instruments ont été prêtés par l’I.A.P. à
l’université afin que celle-ci puisse commencer à équiper le futur
observatoire et commencer à réaliser des expériences utiles à la
Météorologie de l’Espace notamment.
Ce phénomène naturel, l’éclipse, a fait l’objet d’une couverture
médiatique sans précédent dans le pays car s’y trouvaient associés
trois éléments : il s’agissait d’abord de la première éclipse du
troisième millénaire qui se trouvait être la plus longue en Angola ;
elle comportait ensuite un risque ophtalmique important qu’il
convenait d’éviter et, enfin, elle constituait un motif de présenter à
l’opinion internationale l’Angola sous un nouveau jour associant le
tourisme à la science. Serge Koutchmy, baptisé « a estrela » par le
jornal de angola a d’ailleurs fait la une des journaux télévisés et de
la presse pendant les deux semaines de sa présence. A cet égard,
l’équipe française a été particulièrement bien traitée.
Cette mission scientifique a été rendu possible grâce au financement
du S.C.A.C (convention de 100 KF passée avec le C.N.R.S) et de l’Etat
angolais qui a pris en charge sur place Serge Koutchmy et quelques
collaborateurs, partiellement presque tous les autres scientifiques
pour un montant total qui peut être estimé à 150 KF. De plus, le
transport du fret sur la ligne angolaise TAAG a été également supporté
pour l’essentiel par l’Etat angolais. En contre-partie de cette prise
en charge, les autorités angolaises n’ont pas ménagé S.Koutchmy et son
équipe qui ont dû faire des conférences de presse, réaliser des
affiches dans tout le pays, des brochures et présider à leurs
lancements, former des journalistes de la télévision pour filmer
l’éclipse, effectuer des visites d’écoles (dont l’Ecole française),
réaliser des ateliers, des projections vidéo et des conférences sur le
site de l’I.N.P. Le soir de l’arrivée de Serge Koutchmy et de son
collaborateur, un dîner fut organisé à la Résidence de S.E.M
l’ambassadeur de France auquel était également convié le Vice-Ministre
de la Science et de la Technologie, Pedro Teta.
Quant à l’Alliance Française, qui a joué le rôle d’intermédiaire entre
les différentes parties, elle a obtenu de Serge Koutchmy une
exposition sur l’éclipse qui a été présentée durant tout le mois
d’Avril dans ses locaux et une conférence exclusive qui s’est déroulée
à l’hôtel Tropico au cours de laquelle le scientifique a présenté avec
son équipe un pré-bilan de leurs observations et a répondu pendant
plus de deux heures aux questions d’un public insatiable.
Sur le plan national, la préparation et l’organisation des événements
entourant l’éclipse ont été le fait d’une commission
interministérielle présidée par le Ministre de l’Education, Monsieur
Burity da Silva, et mise en œuvre par le vice-ministre de la Science
et de la Technologie. Le jour de l’Eclipse, le Président de la
République, José Eduardo Dos Santos, qui se déplace rarement en
Province, s’est rendu à Sumbe et a patienté jusqu’à la fin du
phénomène pour pénétrer sur le site des scientifiques français afin
d’écouter, pendant une dizaine de minutes, les explications de Serge
Koutchmy.
La prévention du risque ophtalmique a donné lieu à quelques polémiques
dans les journaux d’opposition (deux millions de lunettes auraient été
distribuées tardivement dans les provinces, les autres ayant été
vendues à Luanda), mais la population a fait preuve d’un grand calme,
déçue de constater cependant qu’à l’extérieur de la bande de totalité,
l’éclipse avait à peine obscurci le ciel. L’opération « filtres
solaires pour les collèges et lycées », organisée par la mission
scientifique française en collaboration avec le ministère angolais de
l’Education, a connu un succès remarqué (passage aux informations de
la TV angolaise) . Il est difficile de savoir si l’éclipse a provoqué
des accidents ophtalmiques et, le cas échéant, dans quelles
proportions. Un festival de musique a été organisé à Sumbe les 22 et
23 juin qui a ainsi profité de cet événement pour faire découvrir son
potentiel touristique et prouver qu’un déplacement massif de
population volontaire était redevenu possible dans le pays (environ
8.000 personnes se sont rendus à Sumbe selon l’agence de presse Angop).
Loin des safaris-éclipses amenant par charter des flots d’astro-touristes,
l’Angola a donc vécu un moment intense dans une atmosphère sérieuse et
bon enfant. |
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