Que s'est-il passé pendant les premières centaines de
millions d'années d'existence de notre Système planétaire?
Telle est l'une des questions les plus anciennes à laquelle les
astronomes tentent de répondre. Ils en ont maintenant les moyens.
Visible à l'oeil nu dans l'hémisphère sud, Bêta
Pictoris n'est plus une étoile banale depuis que l'on a découvert,
il y a presque 20 ans, qu'elle était entourée d'un disque
circumstellaire de poussières et de gaz. Il s'agit d'un système
planétaire jeune, âgé de quelques dizaines de millions
d'années, qui illustre les phases terminales de la formation des
planètes. L'environnement de Bêta Pictoris est le théâtre
d'une grande activité dont l'étude permet de reconstituer
ce qui s'est produit dans notre propre Système solaire. Autour de
Bêta Pictoris, de nombreuses collisions ont lieu entre les planétésimaux,
petits corps de tailles kilométriques qui sont des résidus
de la formation des planètes. Ce "bombardement météoritique"
généralisé est semblable à celui qui s'est
prolongé pendant plusieurs centaines de millions d'années
dans le Système solaire, et dont on peut voir - quatre milliards
d'années plus tard - la trace des cratères sur la Lune ou
Mercure.
Une équipe de chercheurs de l'Institut d'Astrophysique de Paris
(CNRS), du Laboratoire d'Astronomie Spatiale de Marseille et de l'Université
Johns Hopkins à Baltimore (USA) vient de montrer que le disque de
Bêta Pictoris ne contenait pas d'hydrogène moléculaire
(H2). C'est une découverte tout à fait surprenante car cette
même équipe avait déjà détecté
avec le Télescope Spatial Hubble la présence de molécules
de monoxyde de carbone (CO). Ce que l'on observe dans le disque de Bêta
Pictoris est ainsi à l'opposé de ce que l'on voit dans les
nuages de gaz de notre Galaxie, la Voie Lactée, où il n'y
a du CO que lorsque l'hydrogène moléculaire est présent.
Cette apparente contradiction s'explique par la présence de millions
de comètes autour de Bêta Pictoris. On sait que les comètes
du Système solaire libèrent les gaz congelés en leur
sein lorsqu'elles s'approchent du Soleil. Mais l'hydrogène moléculaire
ne pouvant être piégé sous forme de glaces comme le
CO, cette évaporation de comètes alimente le disque de Bêta
Pictoris en CO sans y ajouter d'hydrogène moléculaire.
C'est grâce au satellite observatoire FUSE (Far Ultraviolet Spectroscopic
Explorer) que l'équipe d'astronomes a ainsi pu apporter la confirmation
éclatante de leur hypothèse vieille de près de quinze
ans : l'existence de comètes autour de Bêta Pictoris.
Lancé le 24 juin 1999 de Cap Canaveral, FUSE a été
conçu et réalisé par une collaboration entre la NASA,
l'Agence Spatiale Canadienne (ASC) et le Centre National d'Etudes Spatiales
(CNES) ; il est piloté par l'Université Johns Hopkins
de Baltimore (USA). C'est un satellite dédié à la
spectroscopie haute résolution dans le domaine ultraviolet, entre
90 et 120 nanomètres de longueur d'onde. Les observations effectuées
dans l'ultraviolet, inaccessible depuis le sol, permettent d'observer des
signatures uniques de la molécule d'hydrogène. Cette molécule
constituée de deux atomes d'hydrogène est la molécule
la plus abondante, car l'hydrogène représente plus de 90%
des atomes de l'Univers.
Il est désormais certain que les molécules de CO présentes
autour de Bêta Pictoris sont produites par des comètes, les
quantités mesurées étant équivalentes à
plusieurs millions de comètes comme Hale-Bopp.
Cette découverte éclaire d'un jour nouveau les derniers
stades de la formation planétaire. Alors qu'il y a peu de temps
encore, on pensait que les systèmes planétaires étaient
rapidement figés après leur formation, il apparaît
désormais qu'ils sont en réalité extrêmement
actifs pendant les premières centaines de millions d'années
de leur existence. Le nettoyage des planétésimaux résiduels
--sous la forme de collisions entre astéroïdes, de bombardement
des planètes par des planétésimaux ou d'évaporation
de myriades de comètes comme on l'observe aujourd'hui autour de
Bêta Pictoris-- prend du temps et laisse des traces.
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