L'identification de la nature de la matière noire est l'une des questions majeures de la physique contemporaine. L'intérêt de la
question a été considérablement renouvelé par les observations très précises des
expériences Boomerang, Maxima et Dasi, concernant le rayonnement cosmologique. Ces observations permettent de conclure que la matière ne
contribue que pour un tiers à la densité de l'univers. Les protons et les neutrons, qui constituent les noyaux des atomes, ne représentent
eux-mêmes qu'une petite fraction de ce tiers de matière. Il existe donc une matière
invisible qu'on appelle la Matière Noire. Comment la découvrir ?.Les théories supersymétriques, qui permettent d'unifier les quatre interactions
fondamentales, prédisent l'existence de particules massives interagissant très faiblement avec la matière. Ces particules, appelées
WIMPs, permettraient de résoudre une large part de l'énigme de la matière noire.
Censées emplir l'Univers et être présentes dans notre environnement, on doit
pouvoir les détecter par leurs interactions avec la matière ordinaire. Les données cosmologiques et des expériences auprès d'accélérateurs
montrent que leur taux d'interaction est extrêmement faible : on prédit que pour un
détecteur d'un kg, le nombre d'interactions est de l'ordre d'une par jour, voire
très nettement inférieur, ce qui rend les WIMPs plus discrètes encore que les neutrinos.
Dans cette recherche, l'expérience italienne Dama, effectuée au laboratoire
souterrain du Gran Sasso, a publié en 2000 des résultats proposant l'existence d'une WIMP de masse d'environ soixante
fois celle du proton, avec un taux d'événements de l'ordre d'un événement par kg de détecteur et
par jour. L'expérience CDMS de Stanford a d'abord fortement contredit les résultats de l'expérience Dama puis, après
réexamen de ses données, a modéré sa contestation. L'expérience Edelweiss, protégée par 1600 mètres
de roche sous le Fréjus, utilise des détecteurs de germanium ultra-pur de 320 grammes chacun, fonctionnant à une
température de 20 millikelvins. Ces détecteurs opèrent une double détection par l'ionisation et la chaleur : pour la
première, ils sont capables d'enregistrer un signal de quelques centaines d'électrons, et pour la seconde, de mesurer
une élévation de température d'un millionième de degré. Cette double détection leur permet de rejeter 99,9
% du bruit de fond radioactif. Le minuscule signal d'interactions nucléaires dû aux collisions des WIMPs avec
la matière peut alors être mesuré, s'il existe. De plus, les matériaux sont rigoureusement sélectionnés pour leur basse radioactivité et les 1600
mètres de roche conduisent à une réduction par un facteur de 2 millions du flux de rayons cosmiques, ainsi que du fond de
neutrons par un facteur de 10000.
La sensibilité d'Edelweiss lui permet d'exclure avec une très grande confiance, et sans aucun bruit de fond, l'ensemble du domaine
correspondant à la WIMP observée par l'expérience DAMA, si du moins celle-ci est bien une particule supersymétrique interagissant avec la matière de façon
standard. Edelweiss est aussi la première expérience à pénétrer dans le domaine des modèles supersymétriques compatibles avec les contraintes des
accélérateurs, comme celui du CERN à Genève.
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Jusqu'au printemps de l'année 2003, l'expérience
Edelweiss utilisera un ensemble de trois détecteurs, soit une masse limitée à 1 kg. Mais dans l'année qui vient, la sensibilité devrait encore
s'accroître d'un facteur 5. Une version plus ambitieuse de l' expérience,
Edelweiss II, est en cours d'assemblage à Lyon et Grenoble, et sera
installée à Fréjus fin 2003. Elle sera capable de faire fonctionner plus de 100 détecteurs et améliorera la sensibilité actuelle d'un facteur 100,
permettant ainsi le test des prédictions d'une large fraction des théories
supersymétriques. |
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