Un quasar à 13 milliards d’années-lumière de nous, tel est le trou
noir le plus lointain qui vient d’être découvert grâce au télescope
Canada-France-Hawaii[1]. C’est une équipe
internationale menée par Chris Willott de l'Université d'Ottawa et
comprenant, notamment, des chercheurs de l’Institut d’Astrophysique
de Paris et du Laboratoire d’AstrOphysique de Grenoble (unités
mixtes de recherche du CNRS et des Universités Pierre et Marie Curie
et Joseph Fourier)[2] qui a détecté ce quasar, mais
aussi 3 autres quasars très lointains. La découverte d’un objet
aussi lointain alors que l’Univers avait moins d’un milliard
d’années permet d’obtenir des informations sur l’importante phase de
l’histoire de l’Univers où les galaxies, étoiles et trous noirs ont
commencé à se former très rapidement Ce résultat est présenté, le 7
juin, par Chris Willott dans le cadre de la conférence annuelle de
la Société Canadienne d'Astronomie (CASCA 2007) à Kingston, Ontario.
Ces quasars sont en fait des galaxies
qui possèdent un trou noir super-massif en leur centre. La matière
entourant le trou noir est attirée et en tombant au centre
s’échauffe et devient extrêmement lumineuse, d’où la possibilité
d’observer des objets aussi lointains.
Ces quasars, se situant à de très grandes distances, ont été
découverts dans le cadre d'une recherche systématique des quasars
les plus lointains, projet intitulé "Canada-France High-z Quasar
Survey" (CFHQS), qui utilise la caméra MegaCam au foyer MegaPrime
[3]
du Télescope Canada-France-Hawaï (CFHT). Les astronomes ont réussi,
parmi les millions d’étoiles et de galaxies observés dans le cadre
de ce projet, à détecter les quatre objets qui s'avèrent être des
quasars très lointains
[4].
Le quasar le plus lointain, jamais
observé, a été nommé CFHQS J2329-0301 d’après sa position dans le
ciel (il se trouve dans la constellation des Poissons). L’équipe,
conduite par Chris Willott, a utilisé le télescope de 8 m Gemini-Sud
au Chili pour obtenir un spectre de ce quasar. Il a un décalage
spectral de 6,43 (le précédent record était de 6.42 !) et Chris
Willott a pu dire : "dès que j'ai vu le spectre avec sa prodigieuse
raie d'émission, j'ai su que nous tenions un quasar particulièrement
lointain". La lumière de ce quasar a mis près de 13 milliards
d’années pour nous parvenir. Comme le Big Bang s'est produit il y a
13,7 milliards d'années, ceci signifie que nous voyons le quasar tel
qu'il était moins d'un milliard d'années après le Big Bang.
L'intérêt de cette découverte réside dans le fait que plus le quasar
est éloigné de la Terre, plus il est près du début de l'Univers.
Durant les premières centaines de millions d'années l'Univers était
obscur parce qu'il n'y avait ni étoiles ni galaxies, et les atomes
étaient alors tous neutres. Puis les premières étoiles et galaxies
ont commencé à briller et leur lumière a causé un processus connu
sous le nom de ré-ionisation de l'Univers, où tous les atomes ont
été ionisés. La quête des informations permettant de caractériser ce
processus et son époque précise est aujourd'hui l'un des objectifs
majeurs de l'astronomie. Comme le quasar est très brillant, sa
lumière peut être utilisée comme source d'arrière-plan pour sonder
les propriétés du gaz qui se situe entre lui et nous à cette époque
de ré-ionisation.
On pense que le trou noir au sein de ce quasar a une masse d’environ
500 millions de fois la masse du Soleil. Alain Omont de l'Institut
d'Astrophysique de Paris (CNRS et Université Pierre et Marie Curie),
membre de l'équipe fait remarquer que, "outre l'utilisation de la
douzaine de quasars de ce type connus pour étudier la ré-ionisation
de l'Univers, ils permettent aussi de repérer certaines des
premières galaxies massives à s'être formées dans l'Univers". "Nous
aimerions savoir dans quels types de galaxies vivent ces quasars",
ajoute-t-il.
L'équipe prépare maintenant d'autres observations du quasar avec
notamment l’obtention d’un spectre infrarouge avec Gemini et
l’observation du gaz interstellaire du quasar à l'Institut de
Radioastronomie Millimétrique (IRAM : CNRS-MPG-IGN).
Avec cette découverte, le télescope de 3,6 m du CFHT conforte sa
position à la pointe de l'imagerie à grand champ de l'Univers
lointain. Elle démontre aussi la puissance de télescopes de taille
relativement modeste comme le CFHT comme machine à découvrir pour
alimenter les télescopes de la classe des 8-10m avec des objets
fascinants à observer.
Article soumis pour publication
dans Astronomical Journal :
"FOUR QUASARS ABOVE REDSHIFT 6 DISCOVERED BY THE CANADA-FRANCE
HIGH-Z QUASAR SURVEY". Chris J. Willott, Philippe Delorme, Alain
Omont, Jacqueline Bergeron, Xavier Delfosse, Thierry Forveille, Loic
Albert, Céline Reyle, Gary J. Hill, Michael Gully-Santiago, Phillip
Vinten, David Crampton, John B. Hutchings, David Schade, Luc Simard,
Marcin Sawicki, Alexandre Beelen et Pierre Cox.
Figure 1
Différentes couleurs ont été combinées dans ce cliché pour faire
ressortir en rouge le quasar, qui est signalé par la flèche.
© MegaCam/CFHT
Figure 2
Spectre du quasar obtenu avec le télescope Gemini-sud. On voit la
raie Lyman alpha qui se situe à 9 000 Angströms indiquant ainsi le
très fort décalage vers le rouge puisque cette raie est émise à 1
216 Angströms par les atomes d'hydrogène.
Figure 3
Le télescope Canada-France-Hawaii.
© CFHT
Figure 4
Schéma présentant les grandes évolutions de l'Univers depuis le Big
Bang avec notamment la période de l'Âge Sombre et la période de
ré-ionisation.
© S.G. Djorgovski et al. & Digital Media Center, Caltech. INSU
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