Une planète au moins par étoile dans la Voie Lactée
Une planète au moins par étoile : c'est le résultat auquel est parvenue une étude présentée par une collaboration internationale d'astronomes. L'analyse statistique, menée par un chercheur de l'Institut d'astrophysique de Paris (1), a mis en oeuvre une méthode d'observation basée sur l'effet de microlentille gravitationnelle pour mesurer l'abondance des planètes extrasolaires. À partir de six ans d'observations, durant lesquelles plusieurs millions d'étoiles de la Voie Lactée ont été traquées pour détecter plus de trois mille effets de microlentille, les chercheurs ont établi que le nombre de planètes gravitant autour d'autres étoiles que le Soleil était au moins égal au nombre d'étoiles. Les planètes de faible masse (super-Terres et Neptunes, entre 5 et 30 fois la masse de la Terre) seraient également environ sept fois plus abondantes que les planètes géantes de type Jupiter (318 fois la Terre). Ce résultat laisse espérer que de nombreuses planètes cousines de la Terre pourraient exister en nombre et être découvertes dans les années à venir. Cette étude est publiée dans la revue Nature du 12 janvier 2012.
En un peu plus de 16 ans de recherche, les astronomes sont parvenus à mettre au jour plus de 720 planètes extrasolaires (ou exoplanètes, en orbite autour d'autres étoiles que le Soleil), et, pour certains de ces nouveaux mondes, à obtenir des informations sur leur densité ou la composition de leurs atmosphères. Si la caractérisation individuelle des étoiles est d'un grand intérêt, une question plus fondamentale reste à élucider : les exoplanètes sont-elles rares ou communes dans notre galaxie, la Voie Lactée ?
Pour répondre à cette question, une étude statistique menée par Arnaud Cassan (Maître de Conférences à l'Université Pierre et Marie Curie et chercheur à l'Institut d'astrophysique de Paris) en collaboration avec les équipes internationales PLANET (2) et OGLE (3) a mis à profit six années d'observations d'effets de microlentille gravitationnelle (2002-2007) pour mesurer la fréquence des exoplanètes. Si la plupart d'entre elles ont été découvertes par le mouvement qu'elles induisent sur leur étoile (technique des vitesses radiales) ou par le passage devant leur étoile (transits), ces méthodes sont généralement limitées aux planètes proches de leur étoile, ou très massives. La technique des microlentilles permet quant à elle la détection de planètes très peu massives situées loin de leurs étoiles parentes, et indétectables autrement. Cette technique est basée sur l'effet de microlentille gravitationnelle prévu par la théorie de la Relativité Générale d'Einstein : lorsqu'une étoile ou un système planétaire (la "microlentille") passe devant la ligne de visée d'une étoile plus lointaine (souvent située dans la région du centre Galactique), les rayons lumineux en provenance de l'étoile d'arrière-plan sont défléchis au voisinage de la microlentille. Ce phénomène conduit à une amplification apparente de l'éclat de l'étoile d'arrière-plan, et la modélisation de la courbe du flux observée permet de remonter aux propriétés physiques du système planétaire.
Un alignement presque parfait entre l'observateur, la microlentille et l'étoile d'arrière-plan est cependant nécessaire pour produire un effet de microlentille, ce qui se arrive extrêmement rarement : en observant dans la direction du centre de la Voie Lactée, où se trouve la plus grande concentration d'étoiles, en moyenne seule une étoile sur un million produit à un instant donné un effet de microlentille. Et pour déceler la présence d'une planète autour d'une microlentille, il faut en plus une configuration géométrique étoile-planète favorable, ce qui diminue d'autant le nombre de planètes détectables. Sur les plusieurs millions d'étoiles suivis durant les six ans retenus pour l'étude statistique, 3247 ont produit un effet de microlentille. En quantifiant précisément les biais d'observations (incluant la stratégie de détection), 440 événements représentatifs dont trois événements planétaires (4) ont été retenus pour l'étude statistique.
Les astronomes ont alors combiné aussi bien les informations sur ces détections, en incluant des résultats établis précédemment pour sept autres planètes, que celles obtenues à partir du grand nombre d'événements de microlentille n'ayant pas produit de signal planétaire détectable, dans une étude statistique Bayésienne. Leur conclusion est qu'environ un sixième des étoiles ont pour compagnon une planète géante de type Jupiter, environ la moitié sont accompagnées d'une planète similaire à Neptune, et qu'environ deux tiers des étoiles abritent des super-Terres (cousines de la Terre, mais 5 à 10 fois massives). Ces résultats suggèrent donc fortement que le nombre de planètes par étoile est supérieur à un. Il devrait ainsi exister dans notre Voie Lactée au moins autant de planètes que d'étoiles, pour la plupart terrestres ou ressemblant à Neptune, plutôt qu'à des géantes gazeuses.
Notes :(1) Unité Mixte de Recherche 7095 du CNRS et de l'Université Pierre et Marie Curie
(2) PLANET : Probing Lensing Anomalies NETwork
(3) OGLE : Optical Gravitational Lensing Experiment
(4) Une super-Terre, une Neptune et une Jupiter. A ce jour, 12 planètes découvertes par effet de microlentille ont été publiées, en utilisant diverses stratégies observationnelles
Contacts :
Arnaud Cassan Institut d'Astrophysique de Paris-CNRS-UPMC cassan à iap.fr Tél. : 33-1-4432-8087 |
Jean-Philippe Beaulieu Institut d'Astrophysique de Paris-CNRS-UPMC beaulieu à iap.fr Tél. : 33-1-4432-8119 |
- Communiqué de presse du CNRS : http://www.cnrs.fr
- Communiqué de presse de l'ESO : http://www.eso.org/public/news/eso1204/
- Communiqué de presse de l'UPMC : http://www.upmc.fr/
- Collaboration HOLMES (in English) : http://holmes.iap.fr/
Cette vue d'artiste illustre qu'en moyenne, il existe au moins une planète par étoile dans notre galaxie, la Voie Lactée, et que les planètes de faible masse (bleutées) sont plus nombreuses que les planètes géantes
gazeuses (orangées). C'est la conclusion à laquelle est parvenue une étude statistique basée sur six ans d'observation de microlentilles gravitationnelles.
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