Vue d’artiste du satellite Ariel
© Ariel/Science Office
VERS LA RÉALISATION D’ARIEL, POUR DÉCHIFFRER LES ATMOSPHÈRES D’EXOPLANÈTES
La mission Ariel de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) est passée le 12 novembre 2020, de la phase d’étude à la phase de réalisation, à la suite de laquelle un entrepreneur industriel sera sélectionné pour construire le satellite. L’IAP est un acteur majeur du projet en tant que co-investigateur principal de la mission. Ariel étudiera la composition des exoplanètes, comment elles se sont formées et comment elles évoluent, en surveillant un échantillon diversifié d’environ 1000 atmosphères planétaires, dans les longueurs d’onde visibles et infrarouges simultanément.
Jeudi 12 novembre 2020, au terme des phases d’étude, le comité des programmes scientifiques de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) a donné le feu vert à la réalisation de la mission Ariel (Atmospheric Remote-sensing Infrared Exoplanet Large-survey). Ariel vise à aborder l’un des thèmes clés du programme « Cosmic Vision » 2015-2025 de l’ESA, le cycle actuel de planification à long terme des missions spatiales scientifiques : quelles sont les conditions de la formation des planètes et de l’émergence de la vie ? Le lancement est prévu en 2029 par une fusée Ariane 6, depuis Kourou en Guyane. Durant les quatre années prévues de mission, Ariel sondera l’atmosphère d’environ 1 000 planètes lors de transits ou d’éclipses, c’est-à-dire lorsqu’une planète passe devant l’étoile autour de laquelle elle est en orbite, et l’occulte partiellement (transit), ou alors passe derrière l’étoile (éclipse). Lors d’un transit, l’atmosphère de la planète est traversée par la lumière de l’étoile et révèle des informations précieuses sur sa composition. La différence entre la lumière globale émise par l’étoile et la planète juste avant une éclipse, et l’étoile seule pendant l’éclipse, permet également de mesurer l’énergie émise par le côté jour de la planète (celui éclairé par l’étoile), donnant ainsi des informations sur la composition de la planète. C’est la première fois qu’une mission spatiale sera consacrée à l’étude systématique des atmosphères des exoplanètes.
Les planètes qui seront observées par Ariel auront des diamètres allant de ceux des géantes gazeuses, soit entre 4 fois (pour Uranus et Neptune) et 11 fois (pour Jupiter) le diamètre de la Terre, aux super-Terres, les planètes de masse intermédiaire entre les géantes et la Terre. Ces planètes seront choisies afin que leurs étoiles hôtes décrivent une gamme de types spectraux (caractérisant leur luminosité et température). Ariel se concentrera sur les planètes « chaudes » (températures supérieures à 400 kelvin, soit 120°C) pour lesquelles on peut observer les couches atmosphériques basses dites "troposphériques", dans lesquelles un fort brassage par convection conduit à une composition chimique homogène. Ariel mesurera la composition et la structure des atmosphères de ces planètes, en détectant des molécules comme l’eau, le méthane, le monoxyde ou le dioxyde de carbone, ainsi que l’ammoniac ou le cyanure d’hydrogène ; ces composants pourront être détectés sous forme d’aérosols ou de nuages. En observant quelques planètes sur de longues durées, Ariel pourra fournir des données météorologiques, caractérisées par des variations temporelles des propriétés des atmosphères de ces planètes. Enfin, en prenant en compte la température de l’atmosphère et sa composition chimique, les chercheuses et chercheurs pourront poser des contraintes sur la composition interne de chaque planète.
Ariel est constitué d’un télescope spatial avec un miroir primaire de forme elliptique (1,10 x 0,73 mètre), afin d’optimiser simultanément la surface collectrice et l’encombrement. Au foyer du télescope, deux instruments serviront à analyser les atmosphères planétaires. Le spectromètre infrarouge Ariel InfraRed Spectrometer (AIRS) couvrira des plages de longueurs d’onde entre 1.95 à 7.8 microns avec une résolution spectrale R=30-200. L’instrument Fine Guidance System (FGS) observera en parallèle la plage 0.5-1.2 microns avec des canaux photométriques, et la plage 1.2-1.95 microns grâce à un spectrographe à basse résolution. La charge utile instrumentale sera refroidie à 55 kelvin (-218°C) grâce à des écrans thermiques. Les détecteurs de l’instrument AIRS seront refroidis à une température de fonctionnement encore plus basse de 35 kelvin (-238°C).
La mission est coordonnée par Giovanna Tinetti, en tant qu’investigatrice principale, et l’agence spatiale du Royaume-Uni, qui dirigent un consortium de plus de 60 instituts répartis dans 15 pays européens. Les deux partenaires principaux sont la France et l’Italie, et des contributions significatives proviennent de l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la Hongrie, l’Irlande, le Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la Suède, la République Tchèque. Les Etats-Unis d’Amérique sont associés au projet par la fourniture d’éléments de l’instrument FGS, via la NASA.
Le Centre National d’Etudes Spatiales (CNES), est responsable de la production de l’instrument AIRS (c’est-à-dire sa conception, sa réalisation et sa livraison), en partenariat avec l’IAP, le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA), l’Institut d’Astrophysique Spatiale (IAS), et le Laboratoire d’Etudes Spatiales et d’Instrumentation en Astrophysique (LESIA) de l’Observatoire de Paris. Le CNES est le maître d’ouvrage de la construction d’AIRS, et fournit une expertise essentielle dans toutes les activités d’ingénierie spatiale de l’instrument. Le travail s’effectue sous la maîtrise d’œuvre de l’Institut de Recherche sur les lois Fondamentales de l’Univers (IRFU) du CEA, avec des contributions techniques de l’IAS et du LESIA. Les laboratoires français mentionnés sont aussi engagés dans la préparation et l’analyse des données qui seront collectées par Ariel, ainsi que dans l’exploitation scientifique de la mission.
Cette nouvelle étape du projet est un tournant pour l’Institut d’astrophysique de Paris (IAP), en tant que co-investigateur principal de la mission. Les apports de l’IAP ont commencé par des études pionnières dès 2008, qui ont contribué à la conception d’Ariel, puis son adoption par l’ESA. L’équipe de l’IAP est constituée du chercheur Jean-Philippe Beaulieu, responsable français du projet, du chercheur Pierre Drossart, qui a rejoint l’IAP en septembre 2020 (anciennement au LESIA), de l’ingénieur de recherche Andrea Moneti, du post-doctorant Clément Ranc, et de la doctorante Amélie Gressier. Cette équipe se concentrera sur le développement des algorithmes pour analyser l’ensemble des données qui seront obtenues par les instruments AIRS et FGS d’Ariel, et la correction des biais systématiques. L’équipe de l’IAP s’attèlera également à la production des scénarios de mission (la liste des étoiles à observer et la fréquence de répétition de leur observation), et l’exploitation scientifique des données (analyse et interprétation des résultats).
Liens
Communiqué de presse de l’ESA : « Ariel moves from blueprint to reality »
Communiqué de presse du CNES : « Adoption par l’ESA de la mission Ariel dédiée à l’étude de l’atmosphère des exoplanètes »
Une du site internet de l’IAP sur la sélection d’Ariel par l’Agence Spatiale Européenne en 2018 : « La mission spatiale Ariel sélectionnée par l'Agence Spatiale Européenne »
Presse
Article de Le Figaro : « La mission Ariel sur l'atmosphère des exoplanètes est « adoptée » par l’ESA »
Article de Sciences et Avenir : « La mission Ariel sur l'atmosphère des exoplanètes est « adoptée » par l’ESA »
Rédaction et contacts
- Jean-Philippe Beaulieu
Institut d’astrophysique de Paris, CNRS, Sorbonne Université
beaulieu [à] iap [point] fr
- Pierre Drossart
Institut d’astrophysique de Paris, CNRS, Sorbonne Université
drossart [à] iap [point] fr
Rédaction web : Valérie de Lapparent
Mise en page et iconographie : Jean Mouette
Décembre 2020