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JEAN MOUETTE, LAURÉAT DE LA MÉDAILLE DE CRISTAL 2020 DU CNRS

Lors d'une cérémonie le 14 juin 2021, Jean Mouette (ingénieur CNRS des métiers de l’image et du son) reçoit la médaille de cristal du CNRS pour son rôle dans la diffusion des connaissances scientifiques, témoignant de sa maîtrise technique et son sens de l’innovation. Depuis le début de sa carrière à l’IAP en 1984, il œuvre de façon remarquable pour la communication des résultats de la recherche ainsi que sur l’histoire de l’institut auprès du grand public. Spécialisé dans la photographie de la couronne solaire lors d’éclipses totales de Soleil[1], Jean Mouette est également réalisateur de documentaires, afin de rapporter sur le processus des missions sur le terrain et les témoignages des chercheurs et chercheuses. Il réalise l’exploit[2] de filmer pour la première fois des aurores boréales en 3D en 2015. Il assure la présence de l’institut sur les réseaux sociaux, et crée en 2017 la chaîne YouTube de l’IAP, avec des diffusions en direct et tous les enregistrements et reportages produits dans le laboratoire. Sa créativité et son esprit pionnier s’apparentent à ce qui fait le moteur de la recherche scientifique.

Jean Mouette
© Pierre Wachel /IAP-CNRS-SU

Pendant ses études de musicologie à l’Université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis, Jean Mouette postule à un emploi contractuel d’agent technique à mi-temps à l’IAP (emploi étudiant). Lorsqu’il avait ouvert par hasard le premier livre d’Hubert Reeves, « Patience dans l’azur », il s’était retrouvé happé par le récit de l’histoire de l’Univers, et avait remarqué l’offre d’emploi de l’IAP. Cette lecture lui vaut d’être sélectionné en 1983 parmi 30 candidats par Jean Audouze, le directeur de l’institut à l’époque. Il est alors chargé principalement des impressions des thèses et prépublications sur une machine à offset de bureau, qui étaient envoyés dans les principaux laboratoires étrangers en astrophysique.

Souhaitant rattraper son niveau scolaire en maths et en physique, et poursuivre des études universitaires, il se forme par des cours du soir pré-baccalauréat. Avide d’apprendre sur tous les aspects de l’astronomie, il participe en 1985 à une université d’été du « Comité de Liaison Enseignants Astronomes » (CLEA) durant laquelle il apprend les principes de base de la spectroscopie, à reconnaitre les constellations, et à construire un cadran solaire.

Jean Mouette aime la photographie, étant sensibilisé très jeune par son père architecte, qui développe les photos de ses chantiers dans son propre laboratoire photo. La direction de l’IAP œuvre pendant plusieurs années afin qu’il soit titularisé à temps plein au CNRS en 1989, ce qui lui permet de prendre en charge le laboratoire photographique de l’institut, et d’ouvrir le champ de ses activités à la diffusion des sciences.

Il se passionnait déjà pour les films scientifiques, rares à être diffusés à la télévision. En 1989, il commence à se former aux techniques de l’audiovisuel dans le domaine des sciences, grâce à un stage de réalisation au CNRS Images, avec les réalisateurs Jean-François Dars et Anne Papillault, aujourd’hui auteurs des « Histoires courtes ». Il décide de compléter cette formation pratique en prenant une année de congé individuel de formation, à l’issue de laquelle il décroche en 1994, une licence d’information et communication scientifique et technique de l’Université Paris 7 Denis Diderot.

En novembre 1985, il assiste Serge Koutchmy (physicien spécialiste de la couronne solaire, actuellement directeur de recherche émérite du CNRS à l’IAP) à photographier la comète de Halley[3] avec le télescope de 120 cm de l’Observatoire de Haute-Provence, puis à nouveau en mars 1986 depuis le toit de l’observatoire de Tamanrasset en Algérie. Son intérêt pour la photographie et l’astronomie lui valent d’accompagner Serge Koutchmy dans ses périples aux quatre coins du monde pour étudier la couronne solaire pendant les quelques minutes pendant lesquelles la Lune recouvre parfaitement le disque du Soleil : l’éclipse totale de Soleil. En plus des mesures de physique solaire obtenues pendant ces observations, les images prises par Jean Mouette sont utilisées pour des publications scientifiques, et sont diffusées par la photothèque du CNRS. Ces missions d’observations se font systématiquement en lien avec les universités locales, et sont l’occasion de former et sensibiliser le grand public à l’observation d’une éclipse.

Éclipse totale de Soleil de 2017
© Jean Mouette /IAP-CNRS-SU

Pour chacune de ces missions, il part avec une caméra empruntée au CNRS afin de garder un témoignage de ces aventures exceptionnelles, ce qui nourrit son talent de réalisateur. Son film de la mission en Iran en 1999 est monté par la chaîne de télévision Arte, et y sera diffusé 2 fois en 2000. Lors de la mission en Angola en 2001, c’est le CNRS Images qui lui passe commande d’un film de 26 minutes (monté en collaboration avec un professionnel), qui recevra deux prix en 2001 et en 2002 : le Festival international du scoop et du journalisme d'Angers et le Festival du film de chercheur de Nancy. Pour la récente éclipse totale de Soleil aux États-Unis en 2017, c’est une société de production qui lui commande des images pour un documentaire sur le Soleil d’une heure et demie, diffusé en première partie de soirée sur la chaîne de télévision France 5. Il réalise par ailleurs des documentaires de commande pour le CNRS, tous diffusés par la vidéothèque de l'organisme. En 2013, à l’occasion des 75 ans de l’IAP, il réalise (en coproduction avec le CNRS Images) un documentaire de 25 minutes pour lequel le directeur de l’institut, Laurent Vigroux, lui donne carte blanche. En 2019, il tourne et monte un film de 17 minutes de la campagne de mesures en Chine par l’équipe de Kumiko Kotera (chargée de recherche du CNRS à l’IAP), dans le cadre du projet GRAND (Giant Radio Array for Neutrinos Detection).



Aurores boréales dans le nord de la Norvège en 2010
© Jean Mouette /IAP-CNRS-SU

En 2010, Jean Mouette commence à photographier les aurores boréales, un autre moyen de de s’intéresser au plasma qui constitue la couronne solaire. Cela le conduit en Norvège et lui permet d'assouvir son goût pour la montagne. Il prend alors ses premières photos d’aurores, celles-ci sont à la photothèque du CNRS et sont régulièrement utilisées. La période est particulièrement propice pour observer les aurores : le cycle solaire démarre une nouvelle phase d’activité après un minimum début 2008. En 2012, il décide de se lancer un défi technique : filmer les aurores. Jusqu’alors, les films d’aurores étaient des animations à partir de photos successives prises typiquement toutes les 10 secondes. Pour filmer les aurores, il faut des capteurs vidéo assez sensibles pour que chaque image recueille suffisamment de lumière en seulement quelques fractions de seconde. Il trouve sur la toile des informations sur une caméra reproduisant les performances d’une toute nouvelle caméra professionnelle, à moindre coût. Il l’achète sur ses économies personnelles et organise un voyage en Norvège en 2012 qui lui permet de valider l’aptitude de ce nouveau capteur ultra-sensible à filmer en temps réel les aurores boréales.


Un des deux « yeux » utilisés pour filmer les aurores boréales
© Jean Mouette /IAP-CNRS-SU

Jean Mouette convainc ensuite l’astrophotographe Thierry Legault d’acquérir la même caméra, dans le but un peu fou de parvenir à réaliser les premiers films du ciel en entier, et en stéréoscopie. Il y parviennent en 2015, après une série de tentatives et de d’améliorations du dispositif de prises de vues (voir l’histoire de cette aventure). Ils réaliseront jusqu’en 2019 une série de séquences de quelques minutes montrant les aurores ondulant en temps réel et en 3D, comme si on les regardait avec deux yeux séparés de quelques kilomètres. Éric Hivon (ingénieur de recherche du CNRS à l’IAP) apporte une contribution essentielle à la combinaison des images des deux « yeux » que représentent les caméras : corriger les distorsions de la voûte céleste induites par les objectifs des caméras, en utilisant des catalogues d’étoiles et des algorithmes qu’il a développés grâce à son expertise pour les mesures du fond diffus cosmologique dans le projet Planck.

Ces séquences filmées d'aurores boréales ont été, à l’invitation de l’Observatoire de Paris, diffusées à Paris en 3D (grâce à des lunettes stéréoscopiques) au cinéma le Grand Rex, ainsi qu’en 2D au planétarium de la Cité des Sciences. Laurent Préyale, réalisateur d’un film de 52 minutes (« Les aurores boréales sont-elles faites de la matière dont on tisse les rêves ? »), a suivi l’équipe sur le terrain dans le nord de la Norvège ; son film a été notamment diffusé plusieurs fois en 2020 sur La Chaine Parlementaire (LCP), ainsi qu’une fois en direct sur la chaîne YouTube de l’IAP. Pour leur dernière mission en janvier 2019, Jean Mouette et ses collaborateurs bénéficient du soutien du Laboratoire d'Excellence Plas@Par de Sorbonne Université, avec lequel ils continuent à diffuser leurs images vers le public. La prochaine augmentation de l’activité solaire sera probablement l’occasion de poursuivre la chasse aux aurores.

Le travail de Jean Mouette s'inscrit dans une longue tradition à l'IAP, dont les personnels sont très impliqués dans la diffusion des connaissances scientifiques, que ce soit vers les scolaires, à travers la venue de stagiaires, de classes, et bien sûr, l'enseignement supérieur ; mais aussi vers le grand public avec les journées portes ouvertes, la Fête de la science, la participation des chercheuses et des chercheurs à des émissions de radio, de télévision, l'écriture de nombreux ouvrages, les interviews, les événements associatifs etc. En 1995, Jean Mouette crée le premier site internet de l’institut avec Patrick Guillemin, étudiant en thèse avec Jacqueline Bergeron. Personne ne comprenait à l’époque l’intérêt d’un tel outil. En 2011, il participe activement à la réalisation du site actuel, plus particulièrement sa charte graphique et sa mise en page. Il collabore avec Valérie de Lapparent (directrice de recherche du CNRS à l’IAP, responsable éditoriale du site) aux Unes et Brèves par la mise en page et le suivi de l’actualité ; il est également responsable de l’iconographie du site, et il tient à jour toutes les pages concernant la diffusion des sciences (conférences grand public, fête de la science, nuit de l’astronomie etc.).

Parmi ses accomplissement majeurs, il crée en 1995 le cycle de conférences publiques mensuelles de l’IAP, qui existe toujours en 2021, et pour lequel l’amphithéatre de 120 places se remplit quelques heures à peine après l’ouverture des inscriptions. Il a, pour l’organisation de ces conférences, été rejoint en 2000 par Daniel Kunth (actuellement directeur de recherche émérite du CNRS à l’IAP) ; en 2014, ce sont Florence Durret (astronome à l’IAP) et Guillaume Hébrard (directeur de recherche du CNRS à l’IAP) qui à leur tour rejoignent l’équipe des conférences publiques. Ces conférences présentent les résultats de l’état des connaissances par des chercheurs et chercheuses en astrophysique et physique, mais aussi en philosophie, en histoire des sciences ou en sociologie. Jean Mouette filme régulièrement ces conférences depuis leur démarrage. En 2004, en partenariat avec Canal U, la chaîne universitaire lancée sur Internet en 2000, il filme systématiquement les conférences et édite les films en DVD. Ils deviennent alors accessibles au grand public. En 2015, il numérise les premières conférences publiques qu’il avait enregistrées sur des cassettes vidéo (de 1999 à 2003), et les rends accessibles depuis le site internet de l’IAP, un énorme travail d’archivage, essentiel pour l’histoire de ces conférences et l’histoire des connaissances qui y sont transmises.

Toujours en 2015, grâce à l’achat d’un système de captation vidéo semi-automatique, il organise l’enregistrement dans l’amphithéâtre de toutes les présentations destinées aux chercheuses et chercheurs, dans lesquelles on voit en simultané l’orateur ou l’oratrice et ses diapositives, que ce soient les séminaires hebdomadaires, les soutenances de thèse, ou les colloques annuels. Il édite chaque vidéo et la met en ligne dans une rubrique dédiée du site internet de l’IAP, via un outil développé par Lionel Provost (ingénieur informaticien du CNRS à l’IAP), et permettant de faire une recherche par mot-clé dans les diapositives. Constituant un aboutissement naturel de ce travail, il crée en 2017 la chaîne YouTube de l’IAP, et y insère toutes les vidéos produites par l’institut, ou auxquelles des chercheurs ou chercheuses du laboratoire ont participé. Cette chaîne YouTube compte à ce jour près de 16000 abonnés, un nombre en augmentation rapide (certaines vidéos recueillent plusieurs centaines de milliers de vues).

Durant la pandémie de COVID19 en 2020, et devant l’impossibilité d’accueillir le public dans l’institut, Jean Mouette met en place la retransmission en direct des conférences publiques sur la chaîne YouTube, en veillant à ce que l’IAP reste à la pointe de la technologie audiovisuelle - par l’achat de matériel de captation audiovisuelle de meilleure qualité. Ces retransmissions en direct permettent d’attirer en moyenne 300 personnes, avec des pics à près de 600 pour les sujets les plus attractifs, et un public plus diversifié que celui qui s’inscrivait aux conférences dans l’amphithéâtre (il n’y a pas de limite non plus dans le nombre d’internautes écoutant une conférence).

Ces retransmissions et ces enregistrements bénéficient également à la « Fête de la Science », un évènement annuel à l’échelle nationale se tenant en octobre, auquel participe activement l’IAP, ainsi qu’à la « Nuit de l’astronomie » depuis 2019, durant laquelle se tiennent à l’IAP des conférences grand public en continu pendant toute la nuit. Complément important de la chaîne YouTube, Jean Mouette a inscrit l’IAP sur les réseaux sociaux (Facebook et Tweeter) en 2017, et assure la présence et la réactivité de l’institut sur ces réseaux, tout en diffusant les informations concernant l’actualité du laboratoire.

Une affiche dans le RER lors de l'Année Mondiale de l'Astronomie
© Jean Mouette /IAP-CNRS-SU

Jeune, Jean Mouette rêvait d’être violoniste de jazz. Il a joué avec brio toute sa carrière des appareils photo et caméras vidéo qui ont procuré aux professionnels et au grand public des émotions profondes devant la beauté des phénomènes astronomiques. Par ces activités, mais pas seulement, l’IAP lui doit une grande part de sa visibilité auprès du grand public. En 2005, il est nommé par Laurent Vigroux responsable de la communication, fonction qu’il remplissait de fait depuis des années dans l’institut par ses nombreuses initiatives essentielles au rayonnement de l’institut : il a par exemple, pour l'Année Mondiale de l'Astronomie en 2009, conçu et réalisé une exposition de 600 m2 d'images du ciel sur les quais de la station Luxembourg du RER, à Paris. La médaille de cristal 2020 qu’il reçoit du CNRS récompense toute sa carrière, et fait écho à la reconnaissance que lui doit l’IAP pour l’ensemble de son travail.

Notes

[1] En collaboration avec l’équipe de Serge Koutchmy, actuellement directeur de recherche émérite du CNRS à l’IAP.

[2] Avec Thierry Legault (astrophotographe) et Éric Hivon, ingénieur de recherche du CNRS à l’IAP, ainsi que l’aide technique de François Sèvre à l'IAP (ingénieur retraité du CNRS à l’IAP).

[3] Une des photos prises par Jean Mouette reçoit le prix de l’originalité du paysage de la revue Science et Vie.

Liens

puce La médaille de cristal du CNRS

puce Ils n'ont pas froid aux yeux et filment les aurores boréales en 3D

puce Le portrait en vidéo de Jean Mouette sur la chaine YouTube du CNRS

puce La cérémonie du 14 juin 2021


Interview et rédaction : Valérie de Lapparent
Mise en page et édition : Jean Mouette

Juin 2021

Institut d’Astrophysique de Paris - 98 bis boulevard Arago - 75014 Paris