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DE PETITES PLANÈTES EN ORBITE AUTOUR D’ÉTOILES PEU MASSIVES DÉTECTÉES AVEC L’INSTRUMENT SPIROU ET LE SATELLITE TESS

Depuis la découverte en 1995 d’une planète en orbite autour d’une étoile autre que le Soleil, les recherches en exoplanétologie révolutionnent notre connaissance des systèmes planétaires. L’instrument SPIRou, installé au Télescope Canada-France-Hawaii, contribue à ces résultats, notamment en observant les possibles planètes identifiées par satellite observatoire TESS. En combinant les données de ces deux instruments, la planète TOI-1695b est découverte, et fait partie des nouvelles planètes de type sous-Neptune et super-Terre révélées par SPIRou autour d’étoiles moins massives et plus froides que le Soleil, par une équipe internationale dans laquelle l’Institut d’astrophysique de Paris joue un rôle majeur. Ces résultats aident à mieux comprendre ce type de planètes qui n'existent pas dans le Système solaire.

Pendant des siècles, seules les planètes du Système solaire étaient connues et observées : quatre planètes géantes loin du Soleil, et quatre planètes telluriques (dont la Terre) plus proches de notre étoile. Dans la pensée moderne des XIXe et XXe siècles, il semblait très probable que beaucoup d’autres étoiles, si ce n'est toutes, hébergeaient elles aussi des planètes ; étant inaccessibles à nos moyens d’observation, celles-ci restaient cependant dans le domaine de l’imaginaire ou de la science-fiction. On ne savait donc pas si ces éventuelles planètes extrasolaires existaient réellement, étaient similaires à celles du Système solaire, ou présentaient des propriétés différentes.

La situation a changé en 1995 avec la première détection d’une planète extrasolaire, effectuée à l’Observatoire de Haute-Provence par les astronomes Michel Mayor et Didier Queloz, récompensés par la suite par le Prix Nobel de physique. De nouveaux instruments ont depuis été développés ; ils ont permis la détection et la caractérisation de milliers d’exoplanètes, révolutionnant nos connaissances sur les systèmes planétaires, et notamment sur leur formation et leur évolution.

Parmi ceux-ci, la France et l’Institut d’astrophysique de Paris ont contribué de façon majeure au développement de l’instrument SPIRou (Figure 1) au Télescope Canada-France-Hawaii (Figure 2), installé sur la Grande île d’Hawaii. Il s'agit d’un spectropolarimètre (voir encadré 1) fonctionnant dans le domaine infrarouge. Il permet de rechercher des planètes autour d’étoiles moins massives, plus petites et moins chaudes que le Soleil, les naines rouges (leur température est comprise entre 2500 et 4000°C, alors que le Soleil est à 5500°C). Il permet également d’étudier l’activité magnétique de ces petites étoiles, qui sont les étoiles les plus nombreuses dans notre galaxie. Les équipes scientifiques utilisent notamment SPIRou pour caractériser les candidats planètes (les objets susceptibles d’être des planètes) qui ont été identifiés autour d’étoiles naines rouges par le Transiting Exoplanet Survey Satellite (TESS), un satellite observatoire de la NASA, et qui doivent être observées avec SPIRou pour établir leur nature.

Figure 1 : L'instrument SPIRou

Figure 1 : L’instrument SPIRou lors de son intégration au Télescope
Canada-France-Hawaii.

Crédit : S. Chastanet, OMP/IRAP/CNRS.
Figure 2 : Le télescope TCFH au sommet du Mauna Kea

Figure 2 : Le télescope TCFH au sommet du Mauna Kea.
Crédits : J.-C. Cuillandre, TCFH.

1. SPIRou

SPIRou est un spectro-polarimètre infrarouge qui a débuté ses observations en 2018 au Télescope-Canada-France-Hawaii. Il s’agit d’un instrument qui observe les astres par spectroscopie (la répartition de la lumière en fonction de la longueur d’onde) et polarimétrie (une répartition privilégiée de l’orientation des ondes électromagnétiques émises), dans le domaine infrarouge. Il vise notamment à rechercher et caractériser des planètes telluriques dans la zone habitable (la zone ni trop éloignée, ni trop proche de l’étoile, de manière à permettre la présence d’eau liquide à la surface des planètes) autour d’étoiles peu massives, et à étudier l’impact du champ magnétique sur la formation des étoiles et des planètes. Ce projet est réalisé par des institutions situées en France, au Canada, aux États-Unis, au Brésil, au Portugal, en Suisse et à Taiwan. La contribution francilienne à SPIRou regroupe des membres de plusieurs laboratoires, avec un soutien financier du DIM-ACAV de la Région Île-de-France, qui est dirigé par l’Institut d’astrophysique de Paris.


C’est dans ce cadre que des chercheurs de l’Institut d’astrophysique de Paris, et notamment Flavien Kiefer (collaborateur et ancien post-doctorant à l’IAP), Eder Martioli (chercheur associé de l’IAP et ancien post-doctorant à l’IAP), Guillaume Hébrard (directeur de recherche au CNRS), Alain Lecavelier des Étangs (directeur de recherche au CNRS) et Pierre-Cécil König (ancien doctorant à l’IAP) présentent la découverte et la caractérisation de la nouvelle planète TOI-1695b, réalisées au sein d’une équipe internationale. À peine deux fois plus grosse mais six fois plus massive que la Terre, cette nouvelle planète a une densité par conséquent légèrement inférieure à celle de la Terre. Elle est de type sous-Neptune, c’est-à-dire une planète un peu plus petite que Neptune. Sa température est cependant plus élevée de quelques centaines de degrés que celle de Neptune, et son atmosphère contient très probablement de grandes quantités d’hydrogène, d’hélium et de vapeur d’eau. Enfin, cette planète fait le tour de son étoile naine rouge en trois jours (Figure 3).


Figure 3 : Vitesse radiale de l'étoile TOI-1695 mesurée avec SPIRou

Figure 3 : Vitesse radiale de l’étoile TOI-1695 mesurée avec SPIRou montrant que l’étoile s’éloigne et se rapproche de nous de manière périodique. Ces variations permettent de détecter et caractériser la planète TOI-1695b de type sous-Neptune qu'elle héberge (Kiefer et al. 2022). En effet, la méthode des vitesses radiales est une méthode indirecte permettant de détecter et caractériser des planètes extra-solaires. Elle repose sur l’interaction gravitationnelle entre une planète et son étoile : si c’est surtout la planète qui tourne autour de son étoile, bien plus massive, la planète perturbe tout de même légèrement le mouvement de son étoile. En mesurant très précisément le mouvement de l’étoile, et plus particulièrement sa vitesse radiale, on peut en déduire qu’elle héberge une planète en orbite autour d’elle.
Crédits : Kiefer et al. (2023)

Il y a quelques semaines, la même équipe avait déjà annoncé la découverte et la caractérisation de la super-Terre TOI-1452b (une super-Terre est une planète légèrement plus grosse que la Terre) et de la sous-Neptune TOI-1759b. Comme TOI-1695b, ces deux planètes sont en orbite autour d’une étoile naine rouge. La taille de ces trois planètes est comprise entre 1,7 et 3,1 fois celle de la Terre, et leurs masses entre 5 et 7 fois celle de la Terre. Il s'agit donc de planètes intermédiaires entre la Terre et Neptune, mais elles sont plus proches de leurs étoiles hôtes (de 6 à 18 million de km, à comparer aux 150 millions de km de la distance Terre-Soleil). Inexistantes dans le Système solaire, les programmes d’observation ont montré depuis plusieurs années que ces super-Terres et sous-Neptunes sont pourtant très abondantes dans notre galaxie. Ces nouvelles planètes détectées et caractérisées avec SPIRou vont permettre de mieux comprendre cette nouvelle population planétaire. On se demande notamment comment, dans l’histoire de leur formation, certaines ont pu devenir des planètes gazeuses pour certaines ou des planètes rocheuses pour d’autres, malgré des masses similaires. Répondre à cette question pourrait aider à expliquer la dichotomie des planètes du Système solaire, entre petites planètes telluriques et planètes géantes gazeuses.


Articles

puce Article (en anglais) dans Astronomy & Astrophysics : Kiefer, Hébrard, Martioli, Artigau, Doyon, Donati, Cadieux, Carmona, Ciardi, Cristofari et al., 2023, « A sub-Neptune planet around TOI-1695 discovered and characterized with SPIRou and TESS »

puce Article (en anglais) dans The Astronomical Journal : Cadieux, Doyon, Plotnykov, Hébrard, Jahandar, Artigau, Valencia, Cook, Martioli, Vandal et al. 2022 (AJ 164 96) « TOI-1452b: SPIRou and TESS Reveal a Super-Earth in a Temperate Orbit Transiting an M4 Dwarf »

puce Article (en anglais) dans Astronomy & Astrophysics : Martioli, Hébrard, Fouqué, Artigau, Donati, Cadieux, Bellotti, Lecavelier des Étangs, Doyon, do Nascimento et al. 2022 (A&A 660, A86) « TOI-1759b: A transiting sub-Neptune around a low mass star characterized with SPIRou and TESS »

Liens

puce Actualité de l’INSU/CNRS, résultat scientifique dans la thématique « Univers », le 13 février 2023 : « Des petites planètes en orbite autour d'étoiles naines rouges ont été détectées »

puce SPIRou : SpectroPolarimètre InfraRouge

puce Site internet de SPIRou (en anglais)

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Février 2023

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