Résumés des conférences publiques en 2024
- 30 janvier 2024 : Joseph Silk (IAP, Oxford, Sorbonne Université) « Carte blanche à... » proposée par Jean Audouze)
- « Retour sur la Lune »
- Plus d'un demi-siècle après les premiers pas de Neil Armstrong, et alors que depuis 1972, aucun être humain n'y a posé le pied, une nouvelle course vers la Lune a débuté, à laquelle participent de nombreux acteurs.
Aiguillonnés par l'ambitieux programme spatial chinois, les projets de retour se multiplient : la Nasa envisage de construire une station habitée en orbite pour coordonner le développement et l'exploration de la Lune, l'agence spatiale européenne prépare un village lunaire, et l'Inde rejoint le cercle très fermé des nations parvenues à y déposer une sonde. Si de puissants intérêts géopolitiques et commerciaux, notamment en ce qui concerne l'extraction minière, sont à l'origine de cette nouvelle compétition, les infrastructures lunaires ouvriront également des perspectives scientifiques époustouflantes. Parce qu'elle est dénuée d'atmosphère, et que sa face cachée est préservée des ondes radio terrestres, la Lune est un lieu idéal pour implanter des télescopes, qui nous renseigneront sur les premières années de l'Univers, sur les événements les plus énergétiques qui s'y produisent, et, pourquoi pas, sur une éventuelle vie ailleurs.
Joseph Silk est cosmologiste, professeur à l'université d'Oxford et à Sorbonne Université. - 20 février 2024 : François Graner (Matière et Systèmes Complexes, CNRS & Université Paris Cité, « Carte blanche à... » proposée par l'Union rationaliste)
- « Faut-il interdire la recherche ? »
- Il y a beaucoup d'excellentes motivations, individuelles ou collectives, de faire de la recherche. Inversement, l'activité de recherche a de nombreuses retombées négatives, avec deux particularités : l'impossibilité de la réguler ; et surtout un fort impact indirect, à terme, sur l'humanité et la planète. Virus dangereux, croissance économique, dualité civil-militaire... Peut-on faire une analyse « bénéfice-risque » de la recherche ?
- 12 mars 2024 : Jean-Loup Bertaux (Directeur de Recherche émérite au CNRS (LATMOS/UVSQ, Sorbonne Université), « Carte blanche à... » proposée par Jean Audouze)
- « Gérer le nombre d'humains pour vivre bien et longtemps sur la planète »
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Dans un de ses derniers écrits, Stefan Zweig cite Goethe : « C'est pour nous rendre éternels que nous sommes là », phrase que l'on peut interpréter comme : « maintenant qu'elle est là, l'Humanité, se doit de survivre le plus longtemps possible ». Pour un Homo Sapiens astrophysicien, cela rejoint la nouvelle frontière qui consisterait à chercher à communiquer avec nos éventuels plus proches voisins extraterrestres. Car, pour ce faire, le facteur temps est essentiel : la durée de vie d'une civilization dans la formule de Drake et le temps aller - retour d'un dialogue avec ETI (Extra Terrestrial Intelligence) se compte en années, voire en centaines ou milliers d'années.
On peut aussi ajouter un objectif : vivre le plus agréablement possible, ce qui implique que nous devons surmonter la triple crise du 21e siècle : climatique, environnementale et (je l'assume !) démographique. De façon incontournable, nous devrons diminuer notre population à un niveau compatible avec les ressources que peut nous apporter notre planète Terre sans se détériorer. Et cela, pacifiquement, par attrition naturelle : moins de naissances que de décès. À court terme, la tactique se résume en cinq mots : « zéro fossile et moins d'enfants ». Je présenterai mon point de vue sur ces aspects parfois polémiques. - 21 mai 2024 : Stéphanie Hennette Vauchez (professeure de droit public à l'Université Paris-Nanterre, « Carte blanche à... » proposée par l'Union rationaliste)
- « L'école (publique et privée) et la République »
- Alors que, pendant longtemps, la notion de laïcité appliquée à la question scolaire permettait d'interroger les rapports de l'État à l'enseignement privé, elle ne sert plus guère aujourd'hui qu'à évoquer celle du port de signes religieux - et, singulièrement, du voile islamique. Pour interroger cette transformation profonde du sens prêté à la notion de laïcité, Stéphanie Hennette Vauchez souligne l'intérêt qui s'attache à embrasser dans un même mouvement analytique l'école publique et l'école privée. La transformation du régime de laïcité scolaire à l'école publique ne s'explique pas, en effet, sans que soit analysé en parallèle le régime juridique de l'enseignement privé. Or ce dernier peut être lu comme un régime d'accommodement consenti à la religion. Cette clef de lecture se révèle particulièrement utile pour interroger, bien au-delà de la question scolaire, certains récits dominants de la tradition politique et constitutionnelle française et notamment, le sens qu'elle prête aux notions d'égalité et de laïcité.
- 18 juin 2024 : François Héran (professeur au Collège de France, « Carte blanche à... » proposée par l'Union rationaliste)
- « L'Église et les lumières face à la mortalité des enfants : le moment Condorcet »
- On n'imagine plus de nos jours l'ampleur de la mortalité infantile et juvénile sous l'Ancien régime. Sous Louis XV, par exemple, le royaume de France, avec ses 26 millions d'habitants, produisait chaque année davantage de naissances que les 67 millions d'habitants de la France actuelle : environ un million, contre 675 000 aujourd'hui. Mais à l'âge de 7 ans, la moitié des enfants étaient déjà morts. Face à ce gâchis de vies humaines, l'attitude dominante était le fatalisme. L'Église, à l'époque, n'était pas pro life mais, si l'on peut dire, pro death. Sa préoccupation première était de baptiser ou d'ondoyer in extremis les enfants en danger. Mais comment justifier que la Providence divine, censée agir au mieux, puisse tolérer pareille hécatombe ? C'était soulever le problème de la « théodicée », le procès fait à Dieu. À la veille de la Révolution, quelques pionniers ? au premier chef Condorcet ? opèrent un tournant majeur dans l'histoire des mentalités : ils plaident pour une politique de santé qui puisse réduire, voire éradiquer, la mortalité infantile. Une formidable utopie humaniste, libérée de toute référence au Plan divin, qui sera largement réalisée au XXe siècle.
- 24 septembre 2024 : Arnaud Tourin (Professeur de physique à l'ESPCI Paris-PSL), « Carte blanche à... » proposée par Jean Audouze)
- « Ondes, renversement du temps et innovation »
- Comment dompter les ondes, y compris lorsque celles-ci se propagent dans les milieux les plus complexes ? C'est en abordant cette question avec un regard d'ingénieur autant que de chercheur que les scientifiques de l'Institut Langevin (laboratoire de recherche de l'ESPCI Paris-PSL et du CNRS) ont été à l'origine de plusieurs innovations de rupture : miroirs à retournement temporel, imagerie ultrasonore ultrarapide, élastographie, miroirs temporels instantanés, surfaces intelligentes reconfigurables, tomographie à cohérence optique plein champ... Celles-ci ont trouvé des applications dans des domaines très variés allant de l'imagerie médicale à la géophysique en passant par les télécommunications, le contrôle non destructif des matériaux ou encore les interfaces hommes/machines. En nous appuyant sur l'exemple des miroirs à retournement temporel, instruments originaux capables de faire revivre à une onde sa vie passée, nous mettrons en lumière l'importance des recherches les plus fondamentales comme terreau fertile de l'innovation.
Arnaud Tourin a été Vice-président « recherche, sciences et société » de l'Université PSL, après avoir dirigé l'Institut Langevin de l'ESPCI et du CNRS. Il vient de publier en 2023 « Les nouveaux entrepreneurs du public » avec Daphnée Raffini aux Presses des Mines. - 17 décembre 2024 : Jacques Laskar (Académie des Sciences, Collectif des Trois Pignons), « mardi exceptionnel de l'IAP et l'Académie des Sciences » proposée par Jean Audouze)
- « La forêt française face au réchauffement climatique »
- La forêt est au cour d'enjeux complexes, combinant la préservation de la biodiversité, la production de bois et l'accueil du public. Cette multifonctionnalité des forêts publiques est source de conflits. Parallèlement, la forêt est confrontée aux impacts du réchauffement climatique. Elle subit des sécheresses, maladies et incendies accrus, tout en étant appelée à jouer un rôle crucial dans la capture du CO2 que nous émettons. Ainsi, son état de santé et sa gestion durable revêtent une importance capitale pour répondre aux défis environnementaux actuels.
Jacques Laskar est astronome à l'Observatoire de Paris, directeur de recherche au CNRS et membre de l'Académie des sciences. Spécialisé dans la dynamique des systèmes planétaires, il a mis en évidence le mouvement chaotique des planètes du système solaire. Il a montré que l'axe de rotation de Mars est chaotique et que la stabilité de l'axe de rotation de la Terre est due à la présence de la Lune. Il s'est investit depuis plusieurs années dans la défense de la forêt et est co-auteur du rapport de l'Académie des Sciences « Les forêts françaises face au changement climatique ».