Résumés des conférences publiques en 2020
- 7 janvier 2020 : Sylvestre Lacour (astrophysicien au Laboratoire d'études spatiales et d'instrumentation en astrophysique de l'Observatoire de Paris)
- « L'interférométrie optique, appliquée des trous noirs aux exoplanètes »
- Peut-on voir un trou noir ? Paradoxalement, les trous noirs, ou plus exactement leurs environnements, sont souvent lumineux. Pour les étudier, le principal problème est de parvenir à résoudre la lumière qui nous en parvient, c'est-à-dire de pouvoir la distinguer suffisamment précisément pour en faire une image. Dans ce cadre, l'interférométrie, dont les principes de base seront présentés lors de cette conférence, surpasse toutes les autres techniques. Nous l'appliquerons pour chercher le trou noir super-massif au sein de notre galaxie. Plus proche de nous, nous tenterons également de comprendre comment l'interférométrie pourrait se révéler un outil précieux pour comprendre l'atmosphère des exoplanètes.
- 4 février 2020 : Brigitte Zanda (astrophysicienne et cosmochimiste, maîtresse de conférences au Muséum national d'histoire naturelle (MNHN), à l'Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de cosmochimie de Paris)
- « Les météorites, témoins de la formation et l'évolution du Système solaire »
- Si l'origine extraterrestre des météorites est reconnue depuis un peu plus de deux cents ans, il a fallu attendre les découvertes scientifiques et technologiques de la première moitié du XXe siècle pour commencer à décrypter les messages qu'elles renferment. Depuis la genèse du Soleil à partir de matériaux interstellaires ensemencés par les produits de la nucléosynthèse d'étoiles disparues jusqu'à la formation et l'évolution interne des planètes, toutes les étapes ayant conduit au Système solaire tel que nous le connaissons aujourd'hui ont laissé leurs marques dans les météorites. Certaines de ces étapes sont aujourd'hui bien comprises, mais d'autres font encore l'objet de controverses...
- 25 février 2020 : Pierre-Olivier Lagage (astrophysicien au CEA, co-responsable scientifique de l'instrument MIRI du JWST)
- « Le télescope spatial James Webb »
- Le télescope spatial James Webb (JWST) est une mission conjointe de la NASA et des agences spatiales européenne (ESA) et canadienne (CSA). Ce télescope qui sera lancé dans l'espace en 2021 par une fusée Ariane 5 s'annonce comme l'un des observatoires majeurs de cette décade. Au cours de cette conférence, je présenterai d'abord le JWST et les défis rencontrés pour concevoir, réaliser et envoyer dans l'espace un télescope cryogénique avec un miroir primaire de 6.5m de diamètre. Je donnerai ensuite quelques exemples de programmes scientifiques potentiels avec JWST comme l'étude détaillée de l'atmosphère de planètes extra-solaires ou encore l'observation des premières galaxies.
- 3 mars 2020 : Philippe Zarka (directeur de Recherche CNRS au Laboratoire d'études spatiales et d'instrumentation en astrophysique de l'Observatoire de Paris)
- « Résultats de la mission JUNO »
- La sonde JUNO est en orbite autour de Jupiter depuis mi-2016 et sa mission a été étendue jusque mi-2021. Sa caractéristique principale est son orbite polaire qui permet des survols rasants de Jupiter (à moins de 5000 km) donnant accès à des informations hors de portée des précédentes missions Joviennes. En mars 2020, JUNO aura accompli 25 orbites et apporté une belle moisson de résultats dont quelques surprises. En effet, la mesure précise du champ gravitationnel de la planète révèle un coeur « dilué », signe possible d'un gigantesque impact lors de la formation de Jupiter. La circulation en bandes atmosphériques s'étend jusqu'à 3000 km de profondeur puis disparaît ; une activité orageuse intense se concentre près des pôles. Parmi les résultats attendus avec intérêt, la mesure précise du champ magnétique Jovien fournit la première carte fiable pour explorer le territoire magnétosphérique, l'origine et la dynamique des aurores, et celles des nombreuses et intenses émissions radio produites par Jupiter, et enfin l'interaction électromagnétique Io-Jupiter. Après une présentation du contexte de la mission et d'une sélection des résultats les plus marquants, j'esquisserai brièvement le futur de l'exploration de Jupiter.
- 14 avril 2020 : Daniel Kunth (directeur de recherche émérite CNRS à l'IAP)
- « Peut-on vivre sans calendrier ? »
- En 1582, un changement de calendrier bouleversa les habitudes. Le calendrier de Jules César, en vigueur depuis quinze siècles ne
convenait plus. On observait un écart de 10 jours avec la date attendue du printemps et la situation ne pouvait qu'empirer. Le Pape Grégoire XII décida
alors de supprimer 10 jours du mois d'octobre 1582 ! Qu'en est-il aujourd'hui ? Nous dormons tranquilles et ne nous soucions plus de savoir si l'équinoxe
tombera en septembre !
À l'heure des GPS, contrôlés par un faisceau de satellites, nos montres oublient que la Terre ne tourne pas rond et notre calendrier semble fixé dans le marbre. Il règle sans faille nos faits et gestes, codifie le passé, et préfigure notre avenir. Pourtant, le passage de l'an 2000 fut une source de crainte, due aux dysfonctionnements possibles de nos ordinateurs et marquait la fin d'un millénaire. Nous ne savons plus lire l'heure au soleil, et vivons dans une nouvelle dépendance. Certains souhaiteraient plus de lenteur, voire plus d'imprécision. Sommes nous synchronisés avec notre calendrier ou vivons-nous maintenant sous la stricte férule des horloges de précision ? - 5 mai 2020 : Nikos Prantzos (directeur de recherche CNRS à l'IAP)
- « À la recherche d'intelligences extraterrestres : une nouvelle analyse du Paradoxe de Fermi »
- Ces dernières années, la découverte de plusieurs planètes extra-solaires dans la zone habitable de leurs étoiles a permis d'avoir une idée plus précise sur la fréquence de ces objets, et donc du nombre de niches potentielles de vie dans la Voie lactée. À la lumière de ces découvertes, je présenterai une analyse récente du fameux « Paradoxe de Fermi » (« Si ils existent, où sont-ils? »).
- 19 mai 2020 : Florence Durret (Sorbonne Université, astronome à l'IAP)
- « Les galaxies confinées dans les amas ont-elles des comportements particuliers ? »
- À très grande échelle dans l'Univers, les galaxies sont distribuées selon des filaments à
l'intersection desquels se trouvent les amas de galaxies, qui sont les structures les plus massives observées dans l'Univers. Des galaxies continuent
à se déplacer le long des filaments pour « tomber » dans les amas.
À l'intérieur des amas eux-mêmes, les galaxies sont en mouvement rapide les unes par rapport aux autres et leurs propriétés sont influencées par les conditions physiques du milieu où elles se trouvent. En particulier, le frottement avec le gaz très chaud (détecté en rayons X) qui baigne tout l'amas va modifier la quantité d'étoiles formées dans les galaxies et conduire à des objets pouvant avoir des formes très étranges (les galaxies « méduses »). D'autre part, la distribution en densité et en température du gaz X permet de comprendre comment chaque amas s'est formé, par des fusions de plus petits amas.
Je propose de présenter quelques-unes de ces propriétés, en les illustrant avec des résultats obtenus par notre équipe au cours des dernières années. - 2 juin 2020 : Robert Mochkovitch (directeur de recherche CNRS à l'IAP)
- « Contreparties électromagnétiques des événements gravitationnels (sursauts gamma, rémanences, kilonovae) ; que faut-il attendre des futures campagnes d'observation LIGO/Virgo ? »
- Les détecteurs d'ondes gravitationnelles LIGO et Virgo sont à l'arrêt en raison de la présente pandémie et redémarreront peut-être pour
une courte durée avant une nouvelle interruption jusqu'à l'automne 2021. Celle-ci permettra une amélioration des interféromètres avec un gain prévu de
presque un facteur 2 en sensibilité. Au redémarrage, le nouveau détecteur japonais KAGRA sera opérationnel et se rajoutera au réseau existant pour une
meilleure localisation des événements.
Les observations déjà réalisées ont permis de détecter la coalescence de plusieurs binaires d'étoiles à neutrons et sans doute de quelques binaires étoile à neutrons - trou noir, mais un seul événement, le 17 août 2017, a conduit à la découverte de contreparties électromagnétiques en raison de sa relative proximité et d'une orientation favorable. Un faible sursaut gamma a été observé suivi de sa rémanence - le rayonnement issu de l'énergie dissipée dans l'onde de choc induite dans le milieu environnant - et enfin une kilonova, correspondant au rayonnement thermique d'une petite quantité de matière éjectée à l'issue de la coalescence et chauffée par radioactivité.
Au cours de l'exposé je présenterai les perspectives de découverte de nouvelles contreparties électromagnétiques au cours des prochaines campagnes LIGO/Virgo. Je montrerai les distributions attendues en distance, angle de vue et magnitude pour ces nouveaux événements et soulignerai les difficultés à surmonter pour leur détection. - 16 juin 2020 : Pierre Cox (directeur de recherche CNRS à l'IAP)
- « L'univers froid »
- Les observatoires ALMA (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array), situé dans le nord du Chili, et NOEMA, (NOrthern Extended Millimeter Array), localisé dans les Alpes en France, contribuent de manière unique à l'exploration de l'univers « froid ». Ces deux interféromètres, traçant les ondes sub/millimétriques, ont permis en effet d'obtenir des vues nouvelles et spectaculaires des étoiles, de leur formation jusqu'aux étapes ultimes de leurs vies, ainsi que des disques de gaz et de poussières qui les entourent et au sein desquelles se forment les planètes, de sonder la physique des galaxies les plus proches jusqu'aux plus lointaines connues dans l'Univers et, même récemment, de contribuer de manière essentielle à l'exploit d'obtenir la première image d'un trou noir. Après une introduction à ces deux observatoires internationaux, je présenterai une sélection des découvertes scientifiques les plus remarquables faites grâce à ces instruments en les comparant aux autres avancées récentes en astrophysique.
- 7 juillet 2020 : Thierry Montmerle (Sorbonne Université, Ancien Secrétaire Général de l'Union Astronomique Internationale)
- « La Lune : des astronomes diplomates au cœur de la guerre froide »
- Bien qu'alliés pendant la deuxième guerre mondiale, les deux grands vainqueurs, États-Unis et URSS, ont très tôt manifesté des signes d'hostilité indirects : blocus de Berlin, guerre de Corée, etc., et surtout « course aux armements » - pouvoir porter le feu nucléaire chez l'adversaire. C'est ce qu'on appela la « guerre froide ». Malgré ce climat très tendu, l'Union Astronomique Internationale (UAI), qui rassemble les astronomes du monde entier (600 à l'époque, plus de 13 000 aujourd'hui), recommença à fonctionner dès 1948, en prenant soin de toujours comprendre des membres soviétiques au sein de ses instances dirigeantes (Comité Exécutif, commissions scientifiques).
Le 4 octobre 1957, le monde apprend avec stupéfaction le lancement, par l'URSS, du premier satellite artificiel, « Spoutnik 1 ». Puis les Soviétiques enchaînent les succès, avec très tôt la Lune pour objectif : coup sur coup, dès 1959, survol (« Luna 1 »), écrasement (« Luna 2 »), puis envoi des premières photos de sa face cachée (« Luna 3 »), exactement deux ans après le lancement de Spoutnik 1. Sur leur lancée, les Soviétiques sont également les premiers à envoyer un homme (en 1961, puis une femme en 1963) en orbite autour de la Terre. Ces succès démontraient clairement une grande maîtrise technologique de l'URSS, potentiellement dangereuse, dans le domaine des fusées intercontinentales et de l'utilisation de l'espace.
À peine entré en fonction (21 janvier 1961), et en réponse à cette menace, J.-F. Kennedy proposa au Congrès américain un défi pacifique mais follement risqué : envoyer des hommes sur la Lune avant la fin de la décennie. Ce fut le coup d'envoi du programme « Apollo », et l'accélération de la « course à la Lune », de fait déclenchée par les Soviétiques avec leur programme Luna.
Mais au-delà de certains aspects scientifiques du programme Luna, un autre enjeu, « territorial » celui-là, apparut très vite : la « nomenclature » de la topographie de la face cachée de la Lune (cratères, mers, failles, etc.). Qui « nomme », « possède » - voir la conquête de l'Amérique ! Et c'est sur cette question, anodine en apparence mais très symbolique, que l'UAI joua un rôle modérateur et diplomatique essentiel, non dénué de crises internes, pratiquement en continu au fur et à mesure que la surface de la Lune était connue avec une précision grandissante.
Si la période des missions Apollo sur la Lune fut marquée par un réchauffement des relations USA-URSS (1971), l'UAI n'en avait pas fini de jouer son rôle « diplomatique » : cette fois ce fut avec les Nations-Unies, qui revendiquèrent alors le droit de « nommer les objets extraterrestres », en conflit ouvert avec la doctrine séculaire des astronomes d'être les seuls qualifiés pour avoir cette compétence. Cet épisode, jusqu'ici inconnu, aura duré dix ans - pour se conclure par la reconnaissance officielle et juridique du rôle de l'UAI en cette matière. - 8 septembre 2020 : Samuel Challéat (Docteur en géographie), chercheur invité au sein du laboratoire Géode (Géographie de l'environnement, unité mixte de recherche CNRS-Université de Toulouse 2) et coordinateur du Collectif Renoir (Ressources environnementales nocturnes et territoires)
- « Sauver la nuit, ou l'invention de l'obscurité en tant que ressource »
- Que voyons-nous lorsque, le soir venu, nous levons les yeux vers le ciel ? Pour la plupart d'entre nous, habitants des villes et alentour, pas grand-chose. Les occasions de s'émerveiller devant une voûte céleste parsemée d'étoiles sont de plus en plus rares. Aujourd'hui, la Voie lactée n'est plus visible pour plus d'un tiers de l'humanité. Plus de quatre-vingts pour cent de la population mondiale vit sous un ciel entaché de pollution lumineuse, une pollution qui, à l'échelle mondiale, ne cesse de s'accroître. Chaque soir, en France, ce sont onze millions de lampadaires qui s'allument ; chaque jour, plus de trois millions et demi d'enseignes lumineuses, sans compter les millions de lumières bleues de nos divers écrans rétroéclairés. Or, au-delà de l'appauvrissement de notre relation au ciel - une relation qui nourrit, depuis toujours, nos représentations du monde -, on connaît désormais les effets négatifs de la lumière artificielle sur l'environnement et la santé. Érosion de la biodiversité, dérèglement de notre rythme biologique, perturbation de nos rythmes de sommeil, etc. Éteindre les lumières est un geste non seulement esthétique, mais aussi écologique et sanitaire. « Nous laissera-t-on un ciel à observer ? » s'inquiétaient déjà les astronomes amateurs dans les années 1970. Samuel Challéat retrace l'histoire de la revendication d'un « droit à l'obscurité » concomitant au développement urbain et décrit la manière dont s'organise, aujourd'hui, un front pionnier bien décidé à sauver la nuit.
- 6 octobre 2020 : Michel Gonin (directeur de recherche CNRS au Laboratoire Leprince-Ringuet (LLR) et professeur à l'École Polytechnique)
- « Une nouvelle ère impériale pour les neutrinos au Japon »
- Au cours de ces dernières années, le programme de recherche neutrinos au Japon avec une participation importante de la communauté internationale, notamment française, a obtenu des résultats impressionnants grâce à la découverte en 2013 de l'apparition des neutrinos électrons dans un faisceau de neutrinos muons et à l'attribution en 2015 du prix Nobel de physique pour la découverte de l'oscillation des neutrinos atmosphériques. Ces résultats ont fait suite au prix Nobel 2002 attribué lui aussi au Japon pour la découverte de onze neutrinos émis lors de l'explosion d'une supernova. De nouveaux programmes de recherche neutrinos en physique des particules et en cosmologie sont progressivement mis en place pour la prochaine décennie avec l'amélioration du détecteur Super-Kamiokande, la construction d'un nouveau détecteur Hyper-Kamiokande toujours basé sur la technique « Water Tcherenkov », la création de nouvelles collaborations et la montée en puissance de l'accélérateur de JPARC. Leurs objectifs seront les études de la symétrie matière - antimatière au début de notre univers, une meilleure connaissance du mécanisme d'explosion de supernovas, ainsi que la découverte des neutrinos reliques cosmologiques.
- 3 novembre 2020 : Alexandre Le Tiec (astrophysicien CNRS au Laboratoire de l'Univers et de ses Théories (LUTH) de l'Observatoire de Paris)
- « Astronomie gravitationnelle : dernières nouvelles des vibrations de l'espace-temps »
- L'existence des ondes gravitationnelles est l'une des prédictions majeures de la théorie de la relativité générale d'Einstein. La célébration de son centenaire a été couronnée en septembre 2015 par l'observation, sur Terre, d'une onde gravitationnelle émise lors de la coalescence de deux trous noirs. Depuis, les détecteurs LIGO et Virgo ont capté une quinzaine de nouveaux signaux en provenance d'autres couples de trous noirs et d'étoiles à neutrons. Ces découvertes historiques ont ouvert une nouvelle ère en astronomie, celle de l'astronomie gravitationnelle, qui va nous permettre de sonder le côté obscur de l'Univers. Nous reviendrons sur les principaux développements au cours de ces cinq dernières années.
- 1er décembre 2020 : Joël Vernet (astrophysicien, responsable scientifique des projets MUSE et GALACSI à l'ESO)
- « L'ELT : l'œil géant de l'Europe sur l'infini »
- L'ELT ou Extremely Large Telescope, est le plus gros télescope du monde actuellement en construction dans le désert d'Atacama au Chili sous l'égide de l'ESO (Observatoire Européen Austral) en partenariat avec les entreprises et instituts de recherches européens les plus en pointe. Avec ses 39m de diamètre, ce télescope révolutionnaire permettra des avancées majeures sur toutes les grandes questions de l'astrophysique actuelle, des planètes aux premières galaxies de l'Univers. Je vous propose de plonger au cœur de ce projet titanesque et de découvrir quelques-uns des défis majeurs de cette extraordinaire aventure humaine et technologique.