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DE NOUVELLES CONTRAINTES SUR LA COSMOLOGIE ET LA GRAVITÉ GRÂCE AUX VIDES COSMIQUES

Une équipe internationale composée de trois chercheurs du CNRS et d'un professeur de l'UPMC, a mis en évidence de nouvelles contraintes sur la relativité générale – la théorie de la gravitation d'Einstein – à l'aide des vides cosmiques. Ce sont des zones de l'Univers où la densité de matière est très faible, l'espace y est donc presque vide. Le grand nombre de vides présents dans l'Univers fait que ce sont des outils uniques pour sonder la physique de la gravité aux faibles valeurs de densité de matière. S'appuyant sur les catalogues de galaxies provenant du relevé Sloan Digital Sky Survey III, les chercheurs ont validé une nouvelle fois les prédictions de la théorie de la relativité générale. Leurs travaux sont publiés dans la revue Physical Review Letters, datée du 25 août 2016.

Les vides cosmiques : composants majeurs du volume de l'Univers encore peu exploités

Dans l'Univers, la matière est organisée dans l'espace en quatre types de structures : amas, murs, filaments, et vides cosmiques (Figure 1), dont l'ensemble constitue la toile cosmique. Les vides occupent près de 75 % du volume de l'Univers. Leur contenu en matière, sombre ou lumineux, est concentré de manière prédominante sur leurs bords. Le peu de matière contenue dans la partie centrale de ces vides est attiré vers les bordures, ce qui entraîne une diminution de la quantité de matière au sein des vides avec le temps. Les galaxies, qui constituent les éléments lumineux de la matière, suivent la structuration à grande échelle de la matière, et donc délimitent également les vides. Elles sont ainsi utilisées pour mesurer le profil de densité de matière des bordures des vides.


Figure 1 : Image illustrant les grandes structures d'un univers virtuel obtenu grâce à une simulation numérique à N-corps, qui permet de suivre l’évolution dynamique d'un ensemble de particules sous l'effet de l'attraction gravitationnelle. La couleur indique la densité de matière noire. Les vides sont ainsi clairement visibles sous la forme de régions noires ou sombres. Ils sont séparés par des murs et filaments (en bleu et vert), et à l'intersection de ces derniers se trouvent les amas (en jaune et rouge), qui correspondent aux régions où la densité de matière est la plus élevée. Crédits : N. Hamaus/Ludwig Maximilian Universität München.

gaz halo bleuFigure 2: Profil de densité de matière pour un vide cosmique moyen (couleurs d'arrière-plan allant du bleu, pour la densité la plus faible, au rouge, pour la densité la plus élevée), auquel sont superposées des lignes de niveaux de densité. L'abscisse indique la position sur le ciel, et l’ordonnée la vitesse apparente totale. Ce graphe illustre la déformation des vides induite par la vitesse d'échappement de la matière située à l'intérieur.
Crédits : N. Hamaus/Ludwig Maximilian Universität München.

Les vides cosmiques constituent des « laboratoires » de choix pour étudier les lois physiques régissant la gravitation. En effet, les chercheur-e-s de la collaboration ont développé de nouvelles techniques d'analyse qui permettent d'exploiter ces régions particulières de l'Univers. Ces techniques s'appuient sur la mesure de la vitesse apparente totale des galaxies qui se situent dans les bordures des vides (Figure 2). Cette vitesse est induite par deux phénomènes physiques. Une partie est due à la vitesse d'expansion de l'Univers, qui dépend de l'éloignement du vide considéré depuis l'observateur (aussi nommé effet Alcock-Paczyński). L'autre partie provient des mouvements engendrés par le contenu en matière du vide cosmique lui-même, c'est-à-dire principalement l'expulsion de la matière vers la bordure du vide (effet Kaiser).

De nouvelles contraintes sur la gravité

Les chercheurs ont appliqué cette technique aux données spectroscopiques des galaxies composant le Sloan Digital Sky Survey III (http://www.sdss3.org), un relevé profond de plus d'un million de galaxies du ciel dans l'hémisphère nord. Les galaxies les plus distantes du relevé sont à plus de 6 milliard d'années-lumière de la Voie Lactée. Le catalogue fournit pour chaque galaxie sa position sur le ciel, ainsi que le décalage vers le rouge, qui résulte des deux composantes de vitesse mentionnées ci-dessus. En mesurant soigneusement les caractéristiques moyennes des vides cosmiques identifiés via les galaxies, les chercheurs ont pu effectuer des mesures aboutissant à des contraintes sur les paramètres cosmologiques (qui régissent l’évolution de l'Univers), et sur le couplage entre la matière et le champ de gravité. Grâce à ces mesures on peut, par exemple, déduire des contraintes sur la constante de gravitation universelle. Mais, bien sûr, de nombreux autres aspects de la théorie de la relativité générale entrent en jeu pour aboutir aux quantités mesurées dans les observations.

Ces contraintes vont au-delà de celles existantes en cosmologie, tout en étant complémentaires. Elles donnent accès à des informations sur la physique du cosmos à des échelles de l'ordre de quelques dizaines de millions d'années-lumière. Les autres indicateurs du champ de gravité en cosmologie s'appuient sur des échelles de l'ordre du milliard d'années-lumière (par exemple le fond diffus cosmologique) ou seulement quelques milliers d'années-lumière (dans les galaxies).

Par ailleurs, cette nouvelle méthode permet de tester la théorie de la gravité dans l’environnement peu dense que constitue l’intérieur des vides cosmiques. Par exemple, certaines extensions de la théorie de la relativité générale (tel que le modèle appelé « f(R) ») peuvent prédire des vitesses de galaxies plus élevées que celles attendues par la théorie classique pour le même champ de densité de matière. Dans ce cas, les lignes noires des contours de la Figure 2 auraient des formes différentes.

Ces résultats confirment le succès de la relativité générale à rendre compte des observations. De futurs relevés profonds de galaxies comme celui qui sera effectué par la mission Euclid (http://www.euclid-ec.org) permettront aux chercheurs d'obtenir des contraintes sans précédent sur la théorie de la relativité en utilisant les vides cosmiques, notamment grâce aux 50 millions de galaxies qui seront observées, et à une couverture en volume 10 fois plus grande que dans le relevé SDSS.

Ces recherches ont bénéficié du soutien de l'IAP, du Labex ILP (ANR-10-LABX-63), de l'ANR (ANR-10-CEXC-004-01, ANR-11-JS56-003-01), de la NSF (NSF AST 09-08693).

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Rédaction web : Valérie de Lapparent
Mise en page : Jean Mouette

Septembre 2016

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