Carnet de bord des observateurs
de l’éclipse totale de soleil du 29 mars, en Égypte.
Mercredi 12 avril 2006
Cette image montre la couronne solaire en lumière blanche
avec la chromosphère et quelques protubérances, pendant l'éclipse totale de
soleil du 29 mars 2006, depuis Sidi Barany, Égypte. Elle a été réalisée en utilisant une lunette
astronomique de 880 millimètres de focale et un appareil photo numérique de 6
millions de pixels, associé à un filtre neutre radial qui permet de compenser
directement la différence de luminosité entre la couronne interne et la couronne
externe.
Elle a, plus tard, été reconstruite par traitement
informatique à partir de 5 images élémentaires, avec des temps de poses
différents (1/60e, 1/15e, 1/8e, 1/4, 1/2 sec), de manière a améliorer le rapport
signal-bruit et la résolution. Nous avons d'autres images avec une meilleure
résolution, mais elles demandent davantage de travail d'analyse et de
traitement. À suivre...
Crédit : Jean Mouette, équipe de Serge Koutchmy, IAP-CNRS-UPMC
Mercredi 29 mars 2006
Bien malheureusement, l'alimentation du modem satellite de nos observateurs en
Égypte est tombée en panne! Nous ne sommes donc pas en mesure de vous faire
parvenir les dernières pages de leur carnet de bord ou les images de l'éclipse
en temps réel. Nous vous prions de bien vouloir nous excuser pour ce
contretemps. Leur récit et les images qui l'accompagnent seront publiées des que
le contact sera rétabli.
Vous trouverez les images de l'éclipse recueillies par les étudiants de Master 2
de l'École Doctorale d'Astronomie et d'Astrophysique, actuellement présents au
Bénin, sur le site de l'Observatoire de Paris:
http://bass2000.obspm.fr/eclipse/
Souhaitons a nos observateurs une météo
clémente et des observations fructueuses !
Mardi
28 mars 2006
Dès le début de la matinée, nous sentions
que le temps se rétrécissait irrémédiablement. La quantité de choses à faire et
l'augmentation inflationniste du nombre de visiteurs impromptus nous rendant
pour le moins nerveux. La météo nous a heureusement permis, malgré quelques
passages nuageux, de nous livrer aux derniers préparatifs. Après quelques
heures, la plus grande partie des réglages importants de nos instruments
(équilibrage, mise en station fine, répétitions de séquences de prises de vue
etc.) était achevée. La tension est légèrement retombée, un certain plaisir
même, mêlé à de l'excitation nous a porté jusqu'à l'heure du déjeuner (ici vers
16h...).
Photo : Annia Domènech
Entre-temps, une partie des observateurs
de notre groupe est allée rejoindre la station météo du plateau libyen,
au-dessus d'El Sallum, en compagnie d'astronomes égyptiens de l'observatoire
d'Elwan. Ceux-là vont passer la nuit là-haut et ne dormiront pas beaucoup ! Leur
récompense sera une cinquantaine de secondes supplémentaires d'éclipse totale,
ce qui n'est pas rien dans ces circonstances là.
Côté média, nous avons eu la visite du
correspondant pour le Moyen-Orient de la télévision allemande ZDF, d'une équipe
coréenne ainsi qu'une interview par téléphone satellite pour RTL (diffusée
demain dans le journal de la mi-journée). Il paraît même qu'Hosni Moubarak, le
Président de la République égyptienne, viendra à El Sallum, partager ce moment
d'obscurité avec ses concitoyens et les quelques 20 000 touristes attendus.
Photo : Annia Domènech
La météo du journal télévisé n'est pas
très optimiste ce soir. Bien que nous nous en inquiétions, il est évident qu'une
fois sur place, les conditions météorologiques sont bien sûr le paramètre sur
lequel nous avons le moins d'influence. Alors, si le ciel est avec nous, tant
mieux.
Lundi
27 mars 2006
Le forum Culture et Astronomie s´est
terminé ce matin. Nous avons pris la route en début d´après-midi pour rejoindre
notre hôtel camp de base à Sidi Barany. Sur la route nous avons pu constater en
approchant d´El Sallum que pendant notre absence les barrages de police
s´étaient multipliés. Notre véhicule a même été inspecté avec des détecteurs
d´explosifs.
Une autre perspective de la Bibliothèque (photo Jean
Mouette)
En arrivant à l´hôtel, nous apprenons que
nos collègues ont été interviewés à deux reprises par la télévision égyptienne.
D´ailleurs nous verrons un reportage au journal du soir qui nous montre le
plateau libyen sous dix centimètres d´eau. La météo prévue pour demain n´est pas
très bonne non plus, mais pourrait s´améliorer mercredi. Ça tombe bien, il
paraît que ce jour-là il y a une éclipse.
Voilà, la pression monte et nous n´avons
pas l´impression d´être tout à fait prêts...
La journée a commencé
par une bonne nouvelle, livrée ce matin par le Progrès Dimanche (Édition
dominicale du progrès Égyptien, fondée en 1948) ; s'y affiche sur un bon quart
de page un article en français sur cette éclipse et notre mission :
Des chercheurs du CNRS suivent l'éclipse totale du soleil le 29 mars 2006 en
Égypte. La suite de l'article est inspiré du communiqué de presse que
nous avions publié le 22 mars avec le CNRS. Nous n'avions pas imaginé, en
travaillant à la rédaction de ce texte, que nous le verrions imprimé dans un
journal francophone égyptien, et nous en sommes très heureux !
De jeunes participantes au Forum Culture et Astronomie (photo
Jean Mouette)
A la pause déjeuner, nous avons rencontré des dizaines de jeunes Égyptiens venus
assister à la conférence. Ils nous ont assaillis de questions, dans un assez bon
anglais (comparé à celui des jeunes français !). De nombreux jeunes gens, dont
une majorité de filles ont passé la journée à écouter les différentes
interventions, qui allaient de la découverte de la physique solaire, en passant
par l'importance de l'éducation scientifique ou encore l'histoire des sciences
arabes, notamment l'optique.
La nouvelle Bibliothèque
d'Alexandrie (photo Jean Mouette)
Journée de voyage vers Alexandrie, 400 km
à l'arrière d'un minibus autrefois équipé d'amortisseurs, sur la seule route qui
traverse l'Égypte d'Ouest en Est. Arrêt commémoratif au cimetière italien d'El
Alamein, monument mussolinien à la gloire des quelques 48 000 enfants de la
patrie du Duce morts du mauvais côté de l'Axe au cours des sanglantes batailles
du dernier conflit mondial du 20e siècle. La grandeur des lieux
s'impose d'elle même. La lumière crûe sur la pierre blanche de ce monument, la
nudité du désert balayé par le vent, au bord d'une mer turquoise digne des clubs
de vacances alentours (où les plages ont été déminées), ne font que renforcer ce
sentiment d'absurdité que nous ressentons en général face à la mort prématurée
des êtres vivants.
Le monument funéraire du cimetière italien, à El
Alamein (photo Denys Munier)
Comme notre chauffeur nous en informe : "Inch'
Allah", nous sommes arrivés à Alexandrie ! Il est vrai que les routes sont peu
sûres, et que la seule assurance qui vaille ici est le Livre sacré des Musulmans
posé, bien en évidence, derrière le pare-brise de nombreux véhicules.
Alexandrie, ville mythique, mais dont les
restes archéologiques ne se laissent que peu à peu mettre à jour. Nous avons
quand même brièvement le temps d'aller voir, en soirée, les ruines de
l'amphithéâtre romain et d'apercevoir les restes du Fort d'Alexandrie, à
l'extrémité de la jetée du port et dont on pense qu'il est la base du fameux
phare disparu.
Notre journée de demain, dimanche, ainsi
que la matinée de lundi seront exclusivement consacrées au forum Culture et
Astronomie, qui se tient à la nouvelle Bibliothèque.
Alexandre le Grand, 356 BC-323 BC
(photo Jean Mouette)
Plus que cinq jours avant l´éclipse ! Les
manips avancent. Le temps reste plutôt beau malgré un vent persistant. Notre
moral lui, s´est stabilisé.
Une équipe d´astronomes coréens est
arrivée. Ils sont immédiatement partis à El Sallum, pour essayer de trouver un
endroit où installer leurs expériences. Après avoir fait connaissance avec les
réalités administrative et économique locales, ils se sont résolus pour le
moment, à déballer leur matériel ici, sur la terrasse de l´hôtel.
Ces six astronomes, du Korea Astronomy and
Space Science Institute, vont tenter de réaliser quelques expériences :
une image dans la raie verte, une en lumière blanche et avec polarisation, ainsi
que la polarisation de la raie H-alpha. Ils seront bientôt rejoints par une
équipe de la télévision coréenne, qui tourne un documentaire sur cette éclipse
égyptienne.
Notre hôtel commence à s´improviser en un
véritable camp d´observation où se mêlent l´arabe, le coréen, le russe,
l´espagnol, l´anglais, le français...
Photo: Odile Wurmser
Demain une partie du groupe part pour
Alexandrie à environ quatre cents kilomètres. Nous allons participer au forum
Culture et Astronomie qui se tiendra à la Bibliothèque éponyme (voir le lien
plus bas).
Cette nuit, après que nous ayons reçu la
visite d'une délégation d´officiels d'El Sallum vers une heure du matin
(heureusement que les astronomes sont des couches tard !), nous avons pris la
décision que notre hôtel à Sidi Barany deviendrait notre site principal pour les
observations.
Une partie de l´équipe est allée
récupérer le matériel que nous avions déjà entreposé à la station météorologique
sur le plateau Libyen, au dessus d´El Sallum. Nous avons commencé à installer
les expériences d´imagerie et de spectroscopie devant la petite mosquée à côté
de notre hôtel.
À midi, deux montures équatoriales
commençaient à prendre forme.
Bernard Arquier (photo : Marie-France Balestat)
Nous avons discuté entre nous des
expériences qui pourront être menées sur le site de la station météorologique,
où les conditions de travail sont beaucoup plus pénibles, sans compter les
kilomètres quotidiens (160 km aller et retour). Ces expériences un peu moins
encombrantes, seront installées la veille de l´éclipse. Là bas, la totalité
durera 51 secondes de plus, c´est à dire 3 minutes 58 secondes. Quand on sait
que certaines manips ne peuvent être exécutées à une cadence inférieure à 40
secondes, chaque seconde compte.
Anecdote du jour : après avoir été
invités à se rendre à un mariage, notre voiture a fait finalement demi tour sur
ordre de la police touristique chargée de nous protéger.
Météo du jour : beaucoup de vent, de
poussière, contrairement à hier. Le jour de notre arrivée, lundi, nous avions eu
droit à une véritable tempête de sable...
Nous ne sommes arrivés au Caire, en Égypte, qu´avec une
seule idée en tête : l´éclipse totale de soleil du 29 mars. Bien que le succès
de notre expédition dépende en grande partie d´éléments que nous ne contrôlons
pas, comme par exemple la météo, les tempêtes de sable ou encore les
complications administratives, il faut y croire.
Et nous y croyons. Mais, qui sommes-nous ? Notre équipe se
compose d'une vingtaine d´astrophysiciens professionnels et d´astronomes
amateurs chevronnés, qui observent régulièrement le Soleil à l´Observatoire du
Pic de Midi : les
Observateurs Associés. Ils vont réaliser des expériences sous la direction
de Serge Koutchmy de l'Institut d'astrophysique de Paris du CNRS, et sont très
motivés.
Après 600 km de bus, nous avons installé notre camp de base
à Sidi Barany, au Tamoil, motel-station service au bord de la route qui relie
Alexandrie à la frontière libyenne. Nous sommes loin de tout et surtout de
l´image stéréotypée de ce pays : pas de pyramides à l´horizon. Il n´y a ici rien
d´autre à faire que de préparer les instruments… et manger ! Heureusement la
cuisine est délicieuse.
Photo : Denys Munier
Le site prévu pour les observations se trouve à environ 80
km de notre hôtel, à El Sallum, petite ville frontière avec la Libye (tout à
fait au nord-ouest de l´Égypte).