Jusqu'à l'invention par Bernard Lyot, en 1930, du coronographe,
il était impossible d’observer la couronne du Soleil en dehors des
quelques minutes que dure une éclipse totale. La première dont on ait
trouvé mention date du XIIIe ou XIVe siècle avant Jésus-Christ. À
partir des XIXe et XXe siècles on observa très
assidûment les
éclipses.
À l'IAP, cette histoire a commencé en réalité peu
avant la naissance même du laboratoire (en 1938). Pour la fameuse éclipse de
1936, Daniel Barbier et Daniel Chalonge, deux des membres fondateurs de l'IAP
(avec Henri Mineur), ont fait le voyage jusqu'au Kazakhstan soviétique avec
plusieurs expériences spectroscopiques et d'imagerie. Même si pendant la
totalité, les nuages les ont empêchés d'effectuer leurs précieuses mesures, ce
fût néanmoins le premier chapitre de l'histoire des observations IAP de la couronne
solaire lors des éclipses totales. Dès la fin des hostilités, en 1945, une
éclipse totale se présente dans des conditions de visibilité acceptables,
notamment en Suède. Sous l'impulsion de Daniel Chalonge, le Gouvernement de la
France envoie une mission qui permettra d'ailleurs une reprise des contacts
internationaux. Cette mission comprends notamment Bernard Lyot. Il se rendra
également en 1952, à Khartoum, au Soudan, anglo-Égyptien à l'époque, avec deux
spectrographes : un pour le visible et l'autre pour l'ultraviolet. D'autres
astronomes français mèneront des expériences de radioastronomie. Bernard Lyot
décèdera en Égypte peu de temps après cette éclipse. De 1960 à 1980, de
nombreuse missions se succéderont. De nouvelles vérifications de la prédiction
par Einstein, en 1915, de la déviation des rayons lumineux, seront même
réalisées. Lors de l'éclipse du 15 février 1961, suivie dans toute la partie
méditerranéenne de l’Europe, une équipe emmenée par D. Chalonge opérait avec un
petit spectrographe UV installé au foyer du télescope Cassegrain de 80 cm de
diamètre, du plus grand observatoire astronomique français de l'époque, à
Saint-Michel de Provence (CNRS). En 1970, c'est Serge Koutchmy qui, prenant le
relais, ira observer au Mexique l'éclipse du 7 mars, avec une lunette quadruple,
développée à l'IAP dès 1961 par Marius Laffineur. Ce sera aussi la première fois que sera tentée la prise
d'un cliché en lumière blanche, à l'aide d'un filtre neutre radial combiné à des
polariseurs à symétrie axiale, spécialement
mis au point par Serge Koutchmy, pour atténuer la différence de luminosité entre
la couronne interne et ses ramifications les plus lointaines et pour mesurer
précisément les densités électroniques. Pour la petite
histoire, un de ces clichés, le premier obtenu avec filtre neutre radial et en couleurs, a fini dans l'incinérateur
d'un hôtel new-yorkais, une femme de ménage trop consciencieuse, sans doute...
L'année 1973 marquera un tournant dans l'histoire de l'observation des éclipses
: le prototype 001 de l'avion supersonique Condorde, effectuera un vol le 30
juin, qui permettra d'atteindre 74 minutes de totalité (le maximum, étant au
sol, d'environ 7 minutes). Record jamais battu. Cette éclipse a été également
l'objet d'études de nombreuses missions internationales, qui se sont rendues en
Mauritanie et au Tchad. Serge Koutchmy, à nouveau, était responsable
d'expériences d'imagerie de la couronne et de son environnement. En comparant
des images obtenues depuis le Tchad et la Mauritanie, on a découvert l'origine
dynamique de la formation du vent solaire, aujourd'hui appelé vent lent.
Une autre éclipse restera probablement célèbre dans les annales :
le 11 juillet 1991, depuis l'observatoire perché au sommet du volcan
hawaiien Mauna Kea, plusieurs équipes internationales observèrent la
couronne solaire à l'aide des télescopes les plus performants de la
planète. L'équipe de l'IAP utilisera pour la première fois, une
batterie de détecteurs CCD, installés au foyer du télescope
franco-canadien-hawaiien de 3,60 m de diamètre. Les meilleures images
jamais réalisées de la couronne seront ainsi obtenues, avec une
résolution spatio-temporelle inégalée. Des détails de l'ordre de
quelques centaines de kilomètres de résolution ont pu être mesurés. Le
comportement dynamique d'un plasmoide coronal a pu être suivi durant 4
minutes.
La dernière éclipse du XXe siècle, le 11 août 1999, visible de toute l'Europe et
d'une grande partie de l'Asie, sera sans nul doute celle qui aura le plus marqué
les esprits contemporains. En France, elle donnera naissance à de nombreuses vocations de
chasseurs d'éclipses.
Textes d'Annia Domènech et Jean Mouette
avril 2006
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