29 mars 2006 : Éclipse totale du
Soleil sur quatre continents
Mercredi 29 mars se déroulera une éclipse de Soleil, partielle sur la
France, mais totale sur quatre continents, dont l’Afrique et l’Asie. Des
chercheurs du CNRS et notamment de l’Institut d’astrophysique de Paris,
laboratoire mixte du CNRS et de l’Université Paris6-Pierre et Marie Curie, suivront cet événement en Égypte, où le ciel devrait être dégagé. Leur
objectif : réaliser des expériences d’imagerie et de spectroscopie de la
couronne solaire. L'équipe, dirigée par Serge Koutchmy, directeur de recherches
émérite, sera aussi accompagnée par plusieurs chercheurs appartenant à d’autres
laboratoires du CNRS, ainsi que par des astronomes amateurs, eux aussi en charge
de quelques expériences. Des photos et le récit de leurs expériences seront
disponibles quotidiennement dès le 22 mars 2006 dans leur « Carnet
de bord ».
Une éclipse totale de Soleil est due à
l’occultation du Soleil par la Lune de telle sorte que, depuis certains lieux de
la surface de la Terre, celui-ci est complètement caché. Surprenant sans doute, si l’on se rappelle que
l’étoile Soleil est 400 fois plus grande que notre satellite. Sauf que, par le
plus grand des hasards, elle est aussi 400 fois plus loin, de façon à ce que le
diamètre apparent des deux astres soit le même.
Il est rare qu’une éclipse soit visible
d'autant de pays : celle du 29 mars
commencera au Brésil, traversera l’Afrique, un tout petit bout de l’Europe et se
terminera aux confins de l'Asie. L’ombre de la Lune parcourra ainsi 14 500 km en
3 heures et 12 minutes, de 08h36 à 11h48 en temps universel, sur une bande de
180 km de large. Autour de cette bande, dans la zone de pénombre, l’éclipse sera
partielle, comme ce sera le cas à Paris.
La prédiction des éclipses est une sorte de
triomphe de la mécanique céleste et cette prédiction atteint aujourd’hui une
précision ultime. L’observation des éclipses permet également l’étude de la
couronne solaire, atmosphère très chaude et peu dense formant un halo irrégulier
autour du soleil. Elle se montre uniquement quand le disque solaire est occulté,
soit pendant la phase totale d’une éclipse, soit quand on observe le Soleil à
l’aide d’un coronographe qui le cache artificiellement. Ce type d’appareil est
embarqué à bord de satellites lors des missions spatiales (comme
SOHO et bientôt STEREO). Les expériences réalisées au sol pendant une éclipse sont donc
complémentaires de celles réalisées dans l’espace… et beaucoup moins coûteuses !
Ces observations sont appelées à répondre à
de nombreuses questions : quels sont les mécanismes qui interviennent dans le
chauffage de la couronne solaire ? Quelle est l’origine de la perte de la masse
du Soleil (vent solaire, particules énergétiques) ? Différents diagnostics basés sur l’imagerie
numérique et la spectroscopie, seront effectués pour vérifier les théories du
chauffage magnétique du plasma coronal et celles de l’accélération du gaz chaud
résultant de la dissipation de la turbulence.
Plusieurs expériences en collaboration avec
des astronomes égyptiens du NRIAG (National Research Institute of Astronomy and
Geophysics) et de l'Université du Caire, seront donc tentées depuis un point
situé sur le plateau libyen près de As Saloum en Égypte, où l’on prévoit un ciel
clair, mais où des vents de sable ne sont pas exclus. Des instruments
observeront la couronne solaire dans différentes longueurs d'onde. Plusieurs
expériences vont permettre de réaliser des images en utilisant des techniques
allant de l'imagerie à haute résolution en lumière blanche, à l'imagerie à
travers des filtres monochromatiques étroits, en passant par la spectroscopie,
la polarimétrie ou la colorimétrie.
La grande quantité de photons disponibles
lors des éclipses (la couronne blanche est aussi lumineuse que la pleine Lune)
permet d’atteindre un rapport signal sur bruit excellent en imagerie numérique.
L’analyse des fines structures de la couronne, qu’il serait fondamental de mieux
comprendre pour affiner les modèles de la structure magnétique de cette
couronne, est alors possible. L’objectif des observations qui seront réalisées
pendant l’éclipse est donc d’améliorer la résolution spectro-spatio-temporelle
en profitant des techniques modernes. Il sera aussi demandé à
SOHO et TRACE de
réaliser dans les mêmes minutes que l’éclipse du 29 mars, des images de la
couronne dans les raies de l’Hélium II (30.4 nm), de Lyman Alpha de l’hydrogène
et dans celle du Fer XII (19.5 nm).
Des
chercheurs de l'IAP participeront également à une grande conférence
internationale sur le thème « Culture et Astronomie », réunissant des
spécialistes du monde entier les 26 et 27 mars à la nouvelle Bibliothèque
d’Alexandrie :
http://www.bibalex.org/eclipse2006/CultureProgram.htm
Les lignes de forces du champ magnétique ont été représentées pour la date
exacte de l'éclipse totale du Soleil du 29 mars 2006, grâce a des
extrapolations 3D du champ magnétique mesure a la surface durant les mois
précédant l'éclipse (il n'y a aucun moyen de mesurer le champ dans la
couronne). Ces extrapolations sont basées sur la théorie
magnéto-hydrodynamique de la couronne et elle prennent en ligne de compte le
déchirement du champ par le vent solaire qui "ouvre" les lignes de force.